La manifestation nationale contre la violence de genre a attiré quelque 10 000 personnes, selon les organisateurs. Des hommes y ont pris part. L’un d’eux estime que des changements doivent se produire autant dans les petites choses qu’au niveau des mesures politiques
Toutes les deux semaines, un homme tue sa compagne ou une femme de sa famille. Et, selon une étude publiée en 2021, quelque 40% des femmes déclarent avoir subi de la violence domestique (contre 24% des hommes), qu’elle soit physique, psychologique ou sexuelle. Fâchée de cet état de faits, une large alliance de quelque 100 organisations féministes a appelé ce samedi à une manifestation nationale à Berne contre la violence et l’oppression, en prélude à la campagne «16 jours contre la violence basée sur le genre».
Environ 10 000 personnes, selon la coprésidente des Femmes socialistes suisses Mathilde Mottet, se sont pressées dans les rues de la capitale et sur la Place fédérale. Des personnalités comme l’ancienne conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga ont pris la parole. «Tout s’est très bien passé. Le cortège a avancé plus lentement que prévu, car les rues étaient enneigées des deux côtés, sourit Mathilde Mottet. Il y a eu beaucoup de monde venu d’un peu partout, des femmes mais aussi des hommes. Cela montre à quel point ce thème est important. Condamner c’est bien, mais maintenant il faut agir et trouver des solutions!»
Sa collègue Isabel Vidal Pons, responsable en Suisse latine de la campagne «16 jours contre la violence basée sur le genre», se dit reconnaissante que les manifestantes aient été «très bien accueillies, nous avons bien travaillé avec la police». A ses yeux, le message principal du jour porte sur la prévention contre la violence de genre, qui «doit devenir une priorité politique, de santé publique. On voit tellement cette violence de genre, qu’on la banalise, alors qu’elle concerne tout le monde, et n’est pas une fatalité: on peut la prévenir. Mais nous avons besoin de moyens pour cela».
Si la fréquentation a été majoritairement féminine, certains hommes se sont joints au défilé pour marquer leur soutien et montrer qu’ils se sentent concernés. C’est le cas de Marc, Valaisan, hétérosexuel, et qui ne fait partie d’aucune organisation ou parti politique. «La sœur de ma copine nous a demandé hier soir si on venait, on a pris le train aujourd’hui et on est venu à Berne.» Le jeune homme est éducateur sexuel en parallèle de ses études. «Je rencontre beaucoup de gens qui subissent des violences. Je ne connais pas une femme qui n’ait pas été violentée, sur la base de son genre ou sur le plan sexuel.»
Marc veut s’engager pour un monde construit autrement. «La responsabilité est sociétale, mais évidemment les hommes ont leur part à faire. Cela commence aussi par de petites choses: arrêter les blagues sexistes dans les vestiaires de sport, par exemple, ou choisir des termes respectueux quand on veut raconter à ses copains son aventure de la veille avec une fille. Il faut avoir parfois le courage de dire ‘stop’à ses amis qui parlent mal et vulgairement. Le corps de la femme n’est pas un objet utilisable pour l’homme.»
Dans le discours public, «certains continuent de décrire les féministes comme des mangeuses d’enfants, alors qu’elles ne demandent que du respect de base, pour le corps des femmes, leur volonté». Politiquement, le Valaisan se dit déçu du parlement fédéral et des autres organes. «Dès qu’on aborde le sujet, ou des questions comme la santé sexuelle, il faut toujours se battre. Il n’est pas normal que les refuges pour femmes victimes soient à ce point sous-financés.»
Un point également soulevé par Mathilde Mottet et Isabel Vidal Pons. «Nous avons besoin de plus de places dans les maisons d’accueil et d’un meilleur accès aux consultations d’aide aux victimes. Les gens osent plus demander du soutien, mais les structures n’ont pas suivi.»
Ces revendications s’adressent notamment aux décideurs politiques. Décideurs auxquels appartient la sénatrice Marianne Maret, du parti Le Centre, présente à la manifestation. «Cela ne fait pas partie de mon ADN politique de participer à des manifestations, mais la cause est ici tellement importante: il faut se mobiliser contre les violences sexuelles.» La Valaisanne appelle à «briser les clivages politiques pour lutter contre ce type de violences», pour que gauche, centre et droite travaillent main dans la main. «Je me suis engagée depuis mon arrivée au Conseil des Etats sur ces thématiques. Peut-être que le fait de ne pas être de gauche m’avantage, je peux ainsi convaincre des élus et élues de droite.»
Pour la conseillère aux Etats, il reste du pain sur la planche. «La priorité politique ne se trouve pas au parlement fédéral, car nous avons fait ce que nous avons pu, estime-t-elle, avec cette campagne de prévention qui va durer trois ans. Elle concerne plutôt les cantons. Nous devons viser une uniformisation des prises en charge, car si certains cantons travaillent bien, d’autres n’ont même pas de structure d’accueil pour les victimes et femmes violentées.»
Différents axes doivent être développés: les programmes dans les écoles «doivent être mis en place dans toutes les écoles du pays, car il est très important de s’attaquer au mal à la racine», le financement public de l’accompagnement des auteurs de violences, «pour ne pas rester dans un cercle vicieux», et aussi agir du côté de la justice et de la police: «en fonction des procureurs et des policiers, l’accueil peut être très variable et pas toujours adéquat, même si je ne veux pas généraliser».