A Bakou, une séance plénière pourrait avoir lieu à 17h (suisse). L’appui des pays riches pourrait être relevé à 300 milliards de dollars par année. Mais l’issue reste au mieux incertaine
Les pays occidentaux ont relevé samedi leur engagement financier envers les pays en développement pour la lutte contre le changement climatique, mais nombre de pays semblent résignés à repartir mécontents de la conférence de l’ONU à Bakou.
La présidence azerbaïdjanaise de la COP29 prévoit de publier dans l’après-midi son ultime proposition de compromis, avant de le soumettre à l’approbation des près de 200 pays convoqués à une séance plénière à 19h (17h suisse), plus de 24 heures après la fin théorique de la conférence. La plupart des stands de nourriture ont fermé, les navettes entre le stade de la ville ont cessé. Des délégués ont commencé à rejoindre l’aéroport.
Une première proposition vendredi des pays riches d’augmenter leur promesse de soutien financier de 100 milliards de dollars par an, aujourd’hui, à 250 milliards d’ici 2035 a été rejetée par les pays en développement. «Mieux vaut pas d’accord qu’un mauvais accord», dit samedi à l’AFP le chef des négociateurs du groupe africain, le Kényan Ali Mohamed.
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Les Occidentaux (UE, Etats-Unis, Japon…) soutiennent désormais un relèvement à 300 milliards annuels, ont confirmé plusieurs sources au sein de délégations.
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Mais les Européens conditionnent ce chiffre à d’autres avancées dans le compromis final. L’UE s’oppose à l’Arabie saoudite et ses alliés qui refusent toute revue annuelle des efforts de réduction des gaz à effet de serre. «Il y a eu un effort extraordinaire des Saoudiens pour qu’on n’obtienne rien», s’étrangle un négociateur européen.
«Nous ne laisserons pas les plus vulnérables, en particulier les petits Etats insulaires, se faire escroquer par les quelques nouveaux pays riches des énergies fossiles qui ont malheureusement le soutien à ce stade de la présidence» azerbaïdjanaise, a dénoncé la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, sans nommer de pays.
«Je ne suis pas optimiste», dit à l’AFP le ministre de l’Environnement de Sierra Leone, Jiwoh Abdulai. Un expert qui a participé à presque toutes les COP, Alden Meyer, prédit: «Les pays en développement ne seront pas contents du nouveau chiffre, que ce soit 300 ou 350».
La question sera alors: accepteront-ils ce qu’ils considéreront être un mauvais accord, ou bloqueront-ils tout texte final? Aux COP, toute décision doit être prise par consensus des 198 membres.
Au deuxième étage du stade Bakou, les Européens ont de nouveau rencontré samedi les représentants des Etats insulaires et d’autres pays en développement. «Nous faisons tout pour construire des ponts sur tous les axes et obtenir un succès. Mais il est incertain de savoir si nous réussirons», a déclaré le commissaire européen Wopke Hoekstra.
Les Etats-Unis tentent d’arracher un «bon accord», a dit aux journalistes John Podesta, l’émissaire américain. Même formulation pour le ministre britannique Ed Miliband.
Illustrant l’incertitude ambiante, le Panama, très pessimiste la veille, a changé de ton, son négociateur Juan Carlos Monterrey Gomez se disant désormais «optimiste».
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Le premier chiffre publié vendredi a été jugé «inacceptable» par les pays africains au regard des catastrophes qu’ils subissent et de leurs énormes besoins d’investissement en énergies bas carbone. Les petits Etats insulaires ont dénoncé le «mépris» pour leurs «peuples vulnérables».
«Si rien de suffisamment fort n’est proposé à cette COP, nous vous invitons à quitter la table (des négociations) pour vous battre un autre jour, et nous mènerons le même combat», ont écrit dans la nuit 335 ONG à une alliance de 134 pays regroupant les pays en développement et la Chine.
Une stratégie qui contredit le message d’urgence porté par de nombreux pays en développement. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, qui a d’autres priorités en vue pour la COP30 de Belem l’an prochain, a insisté pour «ne pas repousser» à 2025 la tâche de Bakou. «Nous devons donner de l’espoir au monde, montrer que le multilatéralisme fonctionne», dit le ministre irlandais Eamon Ryan.
Le Brésil veut 390 milliards, suivant la recommandation d’économistes mandatés par l’ONU, Amar Bhattacharya, Vera Songwe et Nicholas Stern. Mais les Européens sont sous pression budgétaire et politique. L’Europe veut «assumer ses responsabilités, mais doit faire des promesses qu’elle peut tenir», dit Annalena Baerbock.
Le précédent projet d’accord fixe séparément l’objectif de lever de 1300 milliards de dollars par an d’ici 2035 pour les pays en développement; ce total inclurait la contribution des pays développés et d’autres sources de financement (multilatérale, privée, taxes, autres pays du Sud…)
La Chine semble pour l’instant avoir obtenu ce qu’elle souhaitait: aucune obligation financière. Pas question de renégocier la règle onusienne de 1992 qui stipule que la responsabilité de la finance climatique incombe aux pays développés.
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Des négociateurs et des ONG critiquent la gestion de la conférence par les Azerbaïdjanais, qui n’avaient jamais organisé un tel événement mondial.
La COP s’est déroulée dans une atmosphère lourde. Le président Ilham Aliev a attaqué la France, alliée de son ennemie l’Arménie. Les deux pays ont convoqué leurs ambassadeurs respectifs. Deux parlementaires américains disent avoir été harcelés à Bakou. Plusieurs militants environnementaux azerbaïdjanais sont détenus.
Pour Alden Meyer, personne ne souhaite suspendre la COP29 pour la reprendre plus tard: «cela obligerait à travailler encore cinq mois sous cette présidence».