En service depuis peu, l’ambassadeur de Suisse en Israël Simon Geissbühler évoque au «Tages-Anzeiger» la difficulté d’agir pour la paix au Proche-Orient

En fonction depuis une centaine de jours, l’ambassadeur de Suisse en Israël Simon Geissbühler vit à Tel-Aviv, à proximité immédiate de l’un des conflits les plus sanglants du moment: l’armée israélienne continue de pilonner le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza, où plus de 40 000 morts, la plupart civils, sont à déplorer, selon le Ministère de la santé du Hamas. Une offensive à laquelle s’ajoute la guerre entre Israël et le Hezbollah libanais, là encore à l’origine de milliers de victimes.

La Cour pénale internationale émis jeudi des mandats d’arrêts contre le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, l’ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant ainsi que le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif. Les trois dirigeants sont suspectés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Posté près de l’œil du cyclone, Simon Geissbühler, 51 ans, s’est entretenu avec le Tages-Anzeiger. Il refuse de décrire son mandat comme «dangereux», s’étant par le passé «souvent rendu dans des zones de guerre». Ce qui ne veut pas dire qu’aucune attaque armée ne se produit à Tel-Aviv. Dernièrement, le diplomate a dû se réfugier avec sa famille et du personnel dans l’abri souterrain de sa résidence. Le 1er octobre, l’Iran a tiré de nombreuses roquettes sur le service secret israélien, «et les projectiles ont volé à environ deux kilomètres de notre maison, en quatre vagues de dix minutes chacune. Les explosions provoquées par la défense anti-aérienne furent énormes et incroyablement bruyantes».

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«Pas là pour faire la paix»

Son mandat est politiquement sensible. «Quand j’arrive le vendredi à la fin d’une semaine de travail, il m’arrive parfois d’avoir de la peine à me souvenir de ce que j’ai fait: il se passe tellement de choses.» Il doit garder le cap – un cap qu’il formule avec concision: «Mon mandat est de représenter la Suisse. Je suis responsable des relations bilatérales entre la Suisse et Israël.» Et les Palestiniens? «Notre bureau de Ramallah est là pour cela.» N’est-ce pas une réponse un peu facile, relance notre confrère? «Non, c’est important de comprendre en quoi consiste ma fonction. Je ne suis pas l’ambassadeur pour la paix au Proche-Orient», assène-t-il, avant d’ajouter dans la foulée: «Mais bien entendu, nous nous engageons pour la paix dans la région. C’est aussi dans l’intérêt de la Suisse.»

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Récemment, Simon Geissbühler a condamné publiquement les agressions antisémites à Amsterdam, en marge d’un match de football impliquant une équipe israélienne. Il reconnaît que des «fans israéliens ont provoqué, mais que cela ne justifie pas ce qui s’est passé ensuite». Un discours clair donne de la «crédibilité» à la Suisse.

De même, l’ambassadeur à Tel-Aviv s’est «exprimé dans l’autre sens»: «Quand le ministre des Finances d’Israël Smotrich a évoqué l’annexion de la Cisjordanie», il s’est fait l’auteur «d’une déclaration extrême. Je l’ai condamnée en concertation avec le Département fédéral des affaires étrangères à Berne.»

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«Pas de ping-pong entre les deux camps»

Simon Geissbühler met cependant en garde contre l’idée de faire «un ping-pong» entre les deux camps. «Nous marquons notre désaccord, régulièrement et avec force, sur la guerre à Gaza, que ce soit à Berne ou à New York au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons rien dire sur l’antisémitisme.»

Historien de formation, auteur de recherches sur l’holocauste, le quinquagénaire ne se considère pas comme un ami d’Israël. «Je parlerais plutôt d’empathie critique.» Il relève les tentatives de la Confédération pour apaiser les relations entre Israéliens et Palestiniens. «La Suisse veut réactiver le dialogue sur divers plans. Nous sommes respectés comme acteur neutre et agissons discrètement en coulisses. Mais cela reste difficile. Les gens sont traumatisés et fatigués de la guerre. Le pessimisme est très répandu.»

Il n’y a donc pas le choix: il faut «rester réaliste». Ce qui ne signifie «absolument pas qu’il ne faille rien essayer et que l’on ne peut rien faire. Bien au contraire.»

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