OPINION. Samedi aura lieu à Berne la première manifestation nationale sur la question des violences sexistes et sexuelles, lancée par une centaine d’associations et partis qui réclament enfin des actes devant l’insuffisance des mesures qui existent en Suisse, écrivent Isabel Vidal Pons et Mathilde Mottet

Toutes les femmes et personnes queers autour de nous ont déjà vécu une situation violente sur la base de leur genre: d’innombrables «non» pas respectés, des préservatifs enlevés sans demander, des mains aux fesses dans le bus. Une étude d’Amnesty en 2019 révélait que 59% des femmes ont déjà vécu du harcèlement sexuel, et 22% ont déjà subi des actes sexuels non consentis, causant très souvent des souffrances physiques et psychologiques. Ces violences graves ne viennent pas de nulle part mais sont les conséquences d’actes ou de propos d’apparence plus anodine: on commence par faire une blague sexiste, puis on se permet d’insulter une femme dans la rue, avant de frapper la sienne à la maison. C’est ce que les féministes et professionnels de l’aide aux victimes appellent «la pyramide de la violence».

Les violences sexistes et sexuelles ne sont pas un produit de l’immigration, comme le prétend l’UDC, mais bien de la domination des hommes. Car l’hégémonie patriarcale, selon Gramsci, a besoin de deux choses pour se maintenir: un consensus social autour de la supériorité économique, politique et symbolique des hommes, et de la violence, elle aussi terriblement tolérée. Le viol, par exemple, est tellement banalisé qu’il est chanté par Michel Sardou et Jul, tout en étant nié par les 51 accusés du procès de Mazan. Le viol est partout dans notre culture et entre nos murs, mais les violeurs ne sont nulle part. C'est le paradoxe: si le mouvement féministe a réussi à faire comprendre que les violences sexuelles sont un problème, rares sont les hommes et les autorités prêts à agir pour le résoudre.

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