Le président français, dans une vidéo capturée lors du sommet du G20 à Rio au Brésil, a affirmé que «les Haïtiens ont tué Haïti». Des déclarations qui ont indigné le pays. L’ambassadeur de France à Haïti a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères

Le président Emmanuel Macron a jugé les responsables d’Haïti «complètement cons» d’avoir limogé il y a dix jours leur premier ministre, s’attirant les foudres de Port-au-Prince qui a protesté auprès du chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot et convoqué son ambassadeur. Tout est parti d’une vidéo tournée mercredi en marge du sommet du G20 à Rio, en dehors de la présence de la presse, et qui a circulé sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron quittait alors le Brésil pour le Chili.

Dans cette vidéo, le chef de l’État répond, selon son entourage, à un Haïtien qui l’interpelle «de manière insistante» en l’accusant lui et la France «d’être responsables de la situation en Haïti». «Là franchement, c’est les Haïtiens qui ont tué Haïti, en laissant le narcotrafic», lui répond Emmanuel Macron. «Et là, ce qu’ils ont fait, le premier ministre était super, je l’ai défendu, ils l’ont viré!», ajoute-t-il en référence au limogeage le 10 novembre du chef du gouvernement Garry Conille, nommé cinq mois plus tôt, par le Conseil présidentiel de transition haïtien (CPT).

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«C’est terrible. Ils sont complètement cons»

«C’est terrible. C’est terrible. Et moi, je ne peux pas le remplacer. Ils sont complètement cons, ils n’auraient jamais dû le sortir, le premier ministre était formidable», poursuit-il avant que la vidéo s’interrompe. Les autorités d’Haïti, pays pauvre des Caraïbes en plein chaos politique, socio-économique, sécuritaire et humanitaire, ont vivement réagi. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste a convoqué jeudi l’ambassadeur de France Antoine Michon et protesté contre les «propos jugés inacceptables» du président Macron, selon un communiqué officiel obtenu par l’AFP.

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Port-au-Prince a exprimé «l’indignation du Pouvoir de Transition face à ce qu’il considère comme un geste inamical et inapproprié qui mérite d’être rectifié» et «une lettre de protestation adressée au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a été remise à l’ambassadeur» Michon. Selon la diplomatie haïtienne, le diplomate français a «reconnu qu’il s’agissait de propos malheureux».

«Recréer un chemin vers une situation politique stable»

Arrivé jeudi au Chili, Emmanuel Macron est revenu sur la crise haïtienne lors d’un discours sur la relation avec l’Amérique latine prononcé devant le Congrès du Chili, à Valparaiso. «La France continuera d’apporter son soutien au peuple haïtien et de soutenir toutes les initiatives visant à rétablir la sécurité et recréer un chemin vers une situation politique stable. Les Haïtiens le méritent», a-t-il déclaré.

La décision de démettre Garry Conille est survenue alors que le CPT souhaitait changer des responsables des ministères de la Justice, des Finances, de la Défense et de la Santé, contre son avis. Pour Garry Conille, «la résolution du Conseil présidentiel de transition (…) est clairement entachée d’illégalité». Il a été remplacé dès le 11 novembre par l’homme d’affaires Alix Didier Fils-Aimé qui a promis de rétablir la sécurité et d’organiser les premières élections depuis 2016.

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Privé de président depuis 2021, Haïti pâtit depuis des dizaines d’années d’une instabilité politique chronique. Le pays fait aussi face à la violence des gangs, accusés de meurtres, d’enlèvements et de violences sexuelles. Au moins 150 personnes ont été tuées en une semaine dans la capitale Port-au-Prince, contrôlée dorénavant à 85% par ces bandes criminelles, portant le bilan à au moins 4.544 morts dans le pays depuis le début de l’année, selon l’ONU.