L’ancien chef d’Etat brésilien, au pouvoir de 2019 à 2023, était sous le coup d’une enquête, avec 36 personnes. Il est notamment soupçonné d'«abolition violente de l’État démocratique de droit». Il est pour le moment inéligible jusqu’en 2030
Coup de tonnerre au Brésil: la police a recommandé jeudi l’inculpation de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro, pour une présumée tentative de «coup d’État» visant à empêcher le retour au pouvoir de son successeur Lula après le scrutin de 2022. L’ex-chef d’État (2019-2023) et 36 autres personnalités font l’objet d’une demande d’inculpation pour «abolition violente de l’État démocratique de droit, coup d’État et organisation criminelle» dans le cadre de cette enquête, a détaillé la police dans un communiqué. «La Police fédérale a conclu ce jeudi l’enquête sur l’existence d’une organisation criminelle qui a agi de façon coordonnée en 2022, dans la tentative de maintien du président de l’époque au pouvoir», indique ce communiqué. Les investigations ont duré «près de deux ans».
La Cour suprême, à qui a été transmis le rapport d’enquête, doit à présent le remettre au bureau du procureur général, qui devra décider sur cette base s’il y a lieu ou non d’engager des poursuites contre l’ancien chef d’État. Dans sa première réaction jeudi, Jair Bolsonaro, 69 ans, s’en est pris à sa bête noire, le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes, responsable de l’enquête.
Il «conduit toute l’enquête, arrange les témoignages, arrête sans inculpation», a accusé Jair Bolsonaro sur le réseau social X. «Il fait tout ce que ne dit pas la loi», a-t-il ajouté, promettant de poursuivre «la lutte» sur le plan judiciaire. Jair Bolsonaro est visé par plusieurs autres enquêtes, mais c’est cette affaire qui pourrait avoir le plus grand impact politique. Il clame son innocence et se dit victime de «persécution».
L’ancien capitaine de l’armée est inéligible jusqu’en 2030 pour avoir attaqué sans preuve le système d’urnes électroniques utilisé lors des scrutins au Brésil. Mais il espère pouvoir faire annuler cette condamnation pour concourir à la présidentielle de 2026. Le 8 février, il avait été interdit de quitter le territoire brésilien dans le cadre d’une vaste opération policière baptisée «Tempus veritatis» («L’heure de vérité», en latin), qui ce jour-là avait visé plusieurs de ses anciens proches collaborateurs, avec des dizaines de perquisitions et des arrestations.
La liste des 37 personnes dont les enquêteurs ont recommandé l’inculpation jeudi comprend d’anciens ministres du gouvernement Bolsonaro, dont celui de la Défense, Walter Braga Netto, qui était également son candidat à la vice-présidence en 2022. Le général Augusto Heleno, qui comme ministre du Cabinet de sécurité institutionnelle était considéré comme l’éminence grise du président Bolsonaro, et Alexandre Ramagem, son chef des services de renseignement à l’époque, sont aussi visés.
Mardi, une autre opération policière liée à cette enquête s’était soldée par l’arrestation de quatre militaires et d’un policier soupçonnés d’avoir fomenté un projet d’assassinat du champion de la gauche Luiz Inacio Lula da Silva après sa victoire à la présidentielle de 2022.
L’un des suspects interpellés est le général de réserve Mario Fernandes, proche collaborateur de Jair Bolsonaro sous son mandat. La police fédérale a également réclamé son inculpation jeudi, ainsi que celle de trois autres personnes arrêtées deux jours plus tôt. Leur plan, intitulé «Opération poignard vert et jaune» (couleurs du drapeau brésilien), prévoyait aussi de tuer le vice-président élu Geraldo Alckmin et le juge Moraes.
Au moment du coup de filet de l’opération «Tempus veritatis», les enquêteurs avaient fait état d’un projet de décret visant à convoquer de nouvelles élections et à faire arrêter le juge Moraes, qui présidait le Tribunal supérieur électoral lors de la présidentielle de 2022. Ce décret aurait été présenté par Jair Bolsonaro à des militaires de haut rang lors de réunions en décembre 2022, entre sa défaite électorale au second tour du 30 octobre 2022 et l’investiture de Lula le 1er janvier 2023.
Le décret n’a finalement pas vu le jour, mais les institutions brésiliennes ont été ébranlées le 8 janvier 2023: une semaine après l’investiture de Lula, des milliers de sympathisants bolsonaristes avaient saccagé les lieux de pouvoir à Brasilia. Jair Bolsonaro, qui se trouvait aux États-Unis ce jour-là, fait en outre l’objet d’une enquête visant à déterminer s’il a joué le rôle d’instigateur de ces émeutes.