Une réforme constitutionnelle, soumise au parlement, prévoit d'augmenter la durée du mandat présidentiel et impose des restrictions aux médias au Nicaragua. Elle élève l'épouse de Daniel Ortega, déjà vice-présidente, au rang de «coprésidente»

Le président nicaraguayen Daniel Ortega veut étendre son pouvoir. Il a présenté, mercredi, au parlement une réforme constitutionnelle qui accroît son contrôle sur la société et élève son épouse, la vice-présidente Rosario Murillo, au rang de «coprésidente».

Le projet a été soumis à l'Assemblée nationale, contrôlée par le Front sandiniste de libération nationale (FSLN, gauche) au pouvoir, selon un document auquel des médias, dont l'AFP, ont eu accès. Il devrait être adopté sans problème et, d'après la presse progouvernementale, «des travaux sont en cours en vue d'une adoption rapide».

Selon le projet, le Nicaragua se définit comme un Etat «révolutionnaire» et inclut le drapeau rouge et noir du FSLN parmi ses symboles nationaux.

Un mandat présidentiel rallongé

Daniel Ortega, un ancien guérillero de 78 ans qui a dirigé le Nicaragua dans les années 1980, est au pouvoir depuis 2007. Il est accusé par les Etats-Unis, l'Union européenne et les pays d'Amérique latine d'avoir instauré une autocratie dans le pays.

Selon le texte de la réforme, «la présidence de la République est composée d'un coprésident et d'une coprésidente», qui seront désignés lors d'élections organisées «tous les six ans», et non plus tous les cinq ans.

Les deux dirigeants coordonneront «les organes législatif, judiciaire, électoral» ou encore ceux gérant régions et municipalités, que la constitution actuellement en vigueur considère pour sa part indépendants.

Une «agression ultime contre l'Etat de droit», «un coup direct à la démocratie»

Le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro a condamné le projet, y voyant «une forme aberrante d'institutionnalisation de la dictature conjugale» et une «agression ultime contre l'Etat de droit démocratique», d'après un communiqué.

Des organisations d'exilés ont elles aussi critiqué le texte, comme l'Alliance universitaire nicaraguayenne (AUN), selon qui la réforme annoncée «détruit les droits fondamentaux, légitime la violence d'Etat et concentre tous les pouvoirs entre les mains d'Ortega et de Murillo. Un coup direct à la démocratie et aux libertés».

Le projet stipule par ailleurs que «les traîtres à la patrie perdent la nationalité nicaraguayenne». A la suite des manifestations de 2018, quelque 450 politiciens, hommes d'affaires, journalistes, intellectuels, militants des droits humains et membres du clergé avaient déjà été expulsés du Nicaragua et déchus de leur nationalité.

La liberté des médias réduite

Daniel Ortega et sa puissante épouse accusent l'Eglise, les journalistes et les ONG d'avoir soutenu ces protestations qui ont fait plus de 300 morts, selon l'ONU, et que le pouvoir nicaraguayen considère comme une tentative de coup d'Etat soutenue par Washington.

Au total, 278 journalistes se sont exilés et exercent leur profession depuis le Costa Rica et les Etats-Unis, tandis qu'une cinquantaine de religieux ont été envoyés à l'étranger, principalement au Vatican.

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«L'Etat veillera à ce que les médias ne soient pas soumis à des intérêts étrangers et ne diffusent pas de fausses nouvelles», souligne le projet, qui établit des restrictions concernant les médias.

Dans la réforme, le gouvernement prévoit aussi la création d'une «police volontaire», composée de civils, en «soutien» aux forces de sécurité.