L’opposition accuse le Rêve géorgien, parti pro-russe au pouvoir et grand gagnant du scrutin du 26 octobre, de triche électorale et de dérive autoritaire. La présidente Salomé Zourabichvili, critique de longue date du gouvernement, a déposé un recours pour annuler le résultat du vote
Près d’un mois après le scrutin du 26 octobre, officiellement remporté par le Rêve géorgien, qui dirige le gouvernement depuis 2012, la crise politique se prolonge en Géorgie. Des milliers de manifestants dénonçaient de nouveau à Tbilissi mardi soir la victoire controversée du parti au pouvoir. La présidente, une opposante, a demandé à la Cour constitutionnelle d’annuler les résultats des législatives.
Les détracteurs du Rêve géorgien l’accusent de triche électorale, de dérive autoritaire pro-russe et de la volonté d’éloigner ce petit pays du Caucase de l’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan, des objectifs inscrits dans la Constitution.
Depuis les législatives, des milliers de Géorgiens sont descendus dans la rue pour rejeter un vote qu’ils jugent truqué, sans effet. Et, mardi soir, des responsables de l’opposition ont exhorté leurs sympathisants à manifester en permanence.
L’officialisation de la large victoire du Rêve géorgien samedi a entraîné un regain de manifestations. Mardi matin, des heurts ont éclaté quand la police a entrepris d’évacuer des manifestants qui bloquaient l’une des principales artères de Tbilissi et un campement de protestataires de dizaines de tentes installé à proximité de l’Université d’Etat de la capitale.
Le chef du parti d’opposition Akhali, Nika Gvaramia, a affirmé que plusieurs membres du «conseil politique de son parti avaient été battus et arrêtés». Selon leurs images, plusieurs manifestants et au moins un journaliste ont été frappés. Le ministère de l’Intérieur a annoncé que seize personnes avaient été interpellées pour rébellion contre les forces de l’ordre.
Dans un communiqué, Amnesty International a demandé la libération de «tous les manifestants pacifiques toujours détenus» et appelé les autorités à «pleinement se conformer à leurs obligations de respecter et de protéger le droit à la liberté de réunion».
«Nous n’accepterons jamais (les résultats) d’élections truquées», a déclaré mardi soir une manifestante, Natela Gabiskiria. «Nous soutenons la requête de (la présidente Salomé) Zourabichvili» qui demande à la Cour constitutionnelle d’annuler les résultats des législatives, a poursuivi cette étudiante de 20 ans. Salomé Zourabichvili, une critique de longue date du gouvernement, a déposé un recours «en raison de violations généralisées du caractère universel du vote et du secret du scrutin». Cette juridiction a un mois pour rendre sa décision.
La victoire du Rêve géorgien (53,93%), qui lui assure 89 des 150 sièges du Parlement, a été confirmée samedi par la commission électorale. Il arrive loin devant une alliance de partis d’opposition pro-occidentaux qui ont réuni 37,79%. Mais l’opposition continue de crier à la fraude et les capitales occidentales, comme l’Union européenne, ont réclamé des enquêtes sur ces allégations d’irrégularités.
Après l’annonce des résultats, Salomé Zourabichvili avait dénoncé un système sophistiqué de fraudes suivant une «méthodologie russe» mais avait ensuite refusé de répondre à une convocation du parquet pour détailler ces accusations, que Moscou réfute. L’opposition refuse d’entrer au nouveau Parlement dont la première session est programmée pour lundi et elle compte organiser une grande manifestation à cette occasion.
La présidente a prévenu qu’elle ne signerait pas le décret pour convoquer cette session, tandis que le Premier ministre Irakli Kobakhidze a répondu qu’il passerait outre. Selon l’expert en droit constitutionnel Vakhouchti Menabde, «le nouveau Parlement ne peut se réunir tant que la Cour constitutionnelle n’a pas rendu sa décision sur le recours déposé par (Salomé) Zourabichvili».