L’artiste voulait rendre hommage au Maroc de son enfance et aux ombres de la barbarie ordinaire. Mais son «Ihsane» saturé d’effets et de discours pontifiants ne tient pas ses promesses, malgré l’excellence de ses 26 danseurs

Sidi Larbi Cherkaoui et sa tribu seraient-ils passés à côté de leur nuit sacrée? Au Grand Théâtre, Ihsane, la nouvelle création de l’artiste belgo-marocain vient de s’achever sur un plan splendide. Le public ovationne, des enthousiastes applaudissent debout. Les danseurs – les 22 du Ballet du Grand Théâtre et quatre de la compagnie Eastman, phalange créée en Belgique par Sidi Larbi Cherkaoui – saluent dans leurs robes et pantalons safran ou sable. Ils sont admirables, tout comme la chanteuse Fadia Tomb El-Hage et le chanteur Mohammed El Arabi-Serghini. Mais leur chemin de sagesse est plombé par un débordement d’effets m’as-tu-vu, parfois décoratifs quand ils ne sont pas platement illustratifs.

Rien n’annonçait pourtant cette inflation oiseuse. Ihsane s’ancre dans la chambre d’enfant du directeur du Ballet du Grand Théâtre. N’a-t-il pas voulu hanter en somnambule, c’est-à-dire en voyant, le Maroc de ses étés gamins, le Tanger de son père, Sidi Mohamed Cherkaoui, exilé à Anvers par amour pour Monique van der Schueren? N’a-t-il pas voulu aussi honorer un frère d’âme, Ihsane Jarfi, jeune gay assassiné à Liège à la sortie d’une boîte en 2012? Le Suisse Milo Rau s’était d’ailleurs lui aussi emparé de ce drame dans un spectacle bouleversant, La Reprise, Histoire(s) du théâtre (1), au Théâtre de Vidy en 2018.

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