La petite boutique de brocante située rue Pierre Brossolette est discrète mais résiste toujours au temps. On passe souvent devant sans toujours y faire attention. Pourtant depuis 14 ans, Dominique Tétart est fidèle au poste. Les quelques mètres carrés disponibles sont occupés par une multitude d’objets et de meubles en tout genre. Les miroirs ornent les murs au côté des tableaux et les bibelots et autres vaisselles occupent l.es tables et autres supports, bref une véritable petite caverne d’Alibaba.

Ici, pour vendre de l’ancien, on travaille à l’ancienne et la clientèle n’est pas non plus toute jeune : « Certains indépendants vendent aussi sur internet et n’ont même plus de boutique. Moi, j’ai fait le choix de ne vendre qu’en boutique pour une clientèle d’un certain âge. » Ici, on privilégie la qualité y compris pour des petits objets de seconde main qui commencent à être proposés en idée cadeau. Dominique Tétart est conscient que son commerce reste une exception et qu’il n’intéresse pas la nouvelle génération à quelques rares exceptions mais pour combien de temps encore ?

« Le métier de brocanteur est en train de mourir »

Le long du quai Gayant, Michel Millemont travaille aussi à l’ancienne mais avec un nombre incalculable d’objets en tout genre stockés dans son entrepôt gigantesque. Depuis 1991 qu’il exerce ce métier, ce passionné achète, déniche, entasse mais connaît tous ses objets. Il stocke quelques perles comme ce fauteuil dentaire du début du XXe siècle ou bien encore une chambre photographique dans son jus. « Je fais la différence par mes connaissances du métier », lâche modestement ce brocanteur inquiet de la conjoncture pour ses affaires et surtout de l’instabilité mondiale.

« Avant les conflits, je vendais beaucoup aux pays de l’est, au Liban et en Russie. Beaucoup venaient directement acheter des meubles anciens qu’on vendait aux Polonais, par exemple, comme les meubles de style Henri II. Depuis le Brexit, on n’a déjà plus les Anglais et pour envoyer des objets aux États-Unis, un container coûte aujourd’hui 12 000 euros. Sans parler de l’obligation de le désinfecter, détaille l’intéressé un peu désabusé. Le métier de brocanteur est en train de mourir, tout le monde vend sur internet et fait des débarras. Aujourd’hui, on ne sait plus quoi vendre ni acheter. »

« Les Japonais sont friands de vaisselle française »

Carole Dalmas est la benjamine du métier. Cette ancienne responsable d’assistantes commerciales a peut-être plus de recul mais aussi des idées nouvelles. Elle a ouvert sa boutique en face de la sous-préfecture, Carafes et Chandelles il y a trois ans et surfe sur les objets tendances, sur internet, les réseaux sociaux et propose d’autres services comme la location de vaisselle et même les colis.

Malgré cela, la situation est encore fragile : « Je me suis spécialisée dans l’art de la table sur une gamme plutôt de qualité. Je vends beaucoup de services de grand-mère à l’unité pour mélanger les styles, c’est très tendance ces derniers temps mais ça se trouve de moins en moins car tout le monde saute dessus. » Carole Dalmas arrive aussi à exporter ses trésors au Japon : « Les Japonais sont friands de vaisselle française de la période entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle de style Terre de fer et j’en exporte aux brocanteurs. »

Contrairement à Carole Dalmas, la boutique du Lustr’Antic existe depuis 44 ans, rue de Montmorency. Ici, dans cet ancien garage aménagé, on trouve quelques belles pièces de luminaires mais aussi de cristal du Baccarat ou de ménagères argentées qui trouvent toujours preneurs. Pour ça, il faut aussi vivre avec son époque : « La moitié de mes ventes aujourd’hui passe par internet et les sites de ventes spécialisées. Je vends surtout en France et en Europe », explique le gérant qui arrive en fin de carrière mais qui malgré tout reste passionné par cette activité qui n’a plus rien à voir avec ce qu’on peut désormais appeler « l’âge d’or de la brocante ».

La brocante traditionnelle se meurt et il faut être inventif pour trouver des nouveaux clients prêts à s’octroyer les services de professionnels pour dénicher l’objet coup de cœur avec toutes les garanties qui vont avec.

Il faut sauver les derniers brocanteurs de Saint-Quentin

Par Jérôme Hémard