Les téléphones portables qui circulent au centre de détention aubois de Villenauxe-la-Grande, situé à trois kilomètres de Bethon, comme dans les autres établissements pénitentiaires de France sont « un fléau », s’alarme le secrétaire local SPS-CEA de Villenauxe, qui ne souhaite pas être nommé.
Selon lui, malgré leur interdiction, « plusieurs centaines de téléphones portables par an sont retirés » au centre de détention de Villenauxe qui accueille environ 400 détenus. En 2024, 40 000 téléphones portables ont été saisis dans les prisons françaises selon le ministère de la Justice.
Un phénomène qui avait fait réagir fin décembre 2024 le ministre de la Justice Gérald Darmanin qui annonçait alors vouloir « nettoyer les prisons » pour éviter d’avoir des « détenus qui ont des téléphones portables, qui continuent leur trafic, gèrent leur point de deal ou commandent des assassinats de leur prison ».
Mais faire la chasse aux téléphones portables s’avère compliqué, notamment à cause de la multitude des points d’entrée des objets.
Ils peuvent notamment arriver par l’intermédiaire de colis projetés depuis l’extérieur du centre de détention qui reçoit deux à trois projections par semaine, généralement pendant la nuit. « Depuis quelques années, les projections sont de plus en plus nombreuses à Villenauxe-la-Grande, pas seulement pour les téléphones mais aussi pour les stupéfiants et la nourriture », alerte le secrétaire local SPS-CEA. Vu que nous sommes isolés, ça laisse tout le loisir de projeter des téléphones au-dessus des murs d’enceinte ».
L’établissement dispose pourtant de caméras mais elles seraient obsolètes et ne permettraient pas les interpellations. En effet, les personnes réalisant les projections sont masquées et les agents n’ont pas le pouvoir d’agir sur la voie publique.
« On pourrait aussi limiter les entrées en installant des filets anti-projections qui retiennent les colis jetés mais ce n’est toujours pas dans les projets de l’établissement », déplore l’agent pénitentiaire. Certains téléphones entrent également par l’intermédiaire des proches des détenus, lors des visites dans les parloirs.
« Des solutions peuvent être mises en place avec la réglementation actuelle en achetant des brouilleurs de téléphones compatibles dernière génération mais ils commencent à être obsolètes parce qu’ils ne prennent pas en compte la 5G. C’est un vrai problème vu qu’elle est amenée à être déployée partout », regrette le secrétaire local SPS-CEA.
« Quand M. Darmanin dit qu’il veut faire place nette, nous on est tous pour, mais il faut mettre les moyens humains derrière tout ça », abonde un autre surveillant pénitentiaire, qui souhaite notamment le retour des fouilles systématiques lors des parloirs et plus seulement des fouilles ciblées.
En service de jour, les agents sont suffisamment nombreux pour procéder à des fouilles mais en service de nuit, ils sont en effectif réduit et n’ouvrent les cellules qu’en cas d’urgence absolue pour éviter de mettre la sécurité de l’établissement en danger.
Pourtant, les téléphones portables peuvent constituer un véritable danger. Le secrétaire local SPS-CEA indique que « pour certaines personnes (le téléphone portable) sert uniquement à maintenir les liens familiaux mais pour cela il y a la cabine, donc cet argument ne tient pas. » Des téléphones fixes sont en effet mis à disposition des détenus, permettant d’appeler uniquement des numéros enregistrés, autorisés par la justice.
« Pour la plupart, c’est pour continuer leur trafic, continuer à harceler leurs victimes »
« Les personnes détenues les utilisent pour Netflix, Amazon Prime, comme tout le monde en extérieur. Ils veulent garder leur confort sauf que la prison ce n’est pas fait pour être confortable. On les prive d’une certaine liberté parce que ça fait partie du principe de l’incarcération », considère son collègue.
« Pour la plupart, c’est pour continuer leur trafic, continuer à harceler leurs victimes, condamne le secrétaire local SPS-CEA. Les plus gros problèmes, ce sont lors des violences intrafamiliales parce qu’ils gardent le contact avec la victime et ne lui laissent pas la possibilité de se reconstruire. »
De plus en plus, les agents eux-mêmes sont ciblés. Filmés par des détenus dans l’enceinte de l’établissement pénitentiaire, ils se retrouvent ensuite sur les réseaux sociaux. « Dernièrement, on a eu une collègue qui s’est retrouvée sur TikTok, filmée par une personne détenue, raconte le secrétaire local SPS-CEA. Ça a mis en danger la sécurité de la collègue qui pouvait être identifiée. »