L’histoire du canton est intimement liée à celle de l’industrie automobile. En raison du Salon de l’Auto aujourd’hui disparu, sans doute, mais aussi d’une passion particulière des Genevois pour les bolides et les SUV, passion qui s’est transmise aux 80’000 frontaliers qui y pénètrent chaque jour au volant.
Toute Genevoise née avant les années 2000 savait que le Saint Graal des jobs étudiants, c’était le Salon de l’Auto. Quatre mille francs minimum pour 10 jours de glamour discutable, perchée sur des talons aiguilles, éblouie par la lumière fluorescente et assourdie par le vrombissement continu de la foule. Et puis le Salon de l’Auto, c’était quelque chose. Les hôtels étaient pleins et l’on croisait des Suisses allemands pour qui c’était l’unique apparition annuelle en Suisse romande.
Il a duré un siècle, le Salon de l’Auto. Première véritable édition en 1923, après quelques balbutiements en 1905 et 1906. Et tout de suite, il fait de Genève une capitale de la voiture. C’est d’ailleurs à Genève que pour la première fois, en mars 1949, une Porsche a été présentée au grand public: un entrepreneur suisse, Rupprecht von Senger, ayant acheté l’année précédente le tout premier modèle de la marque et lui ayant ouvert les portes du Salon genevois.
Chaque année, le nombre d’exposants, de mètres carrés et de visiteurs va augmenter, pour culminer à 747’700 entrées en 2005. Et puis le Covid l’a tué. L’édition 2020 est annulée quatre jours avant l’ouverture, la suivante est délocalisée au Qatar. 2024 est décevant, si bien que la clé est mise sous la porte.
Il y a pourtant un paradoxe. Pendant des décennies, alors que le Salon battait son plein, affichant à chaque fois les modèles les plus extraordinaires des constructeurs, il était de mise pour les bons genevois, les patriciens, les partisans de Calvin, de rouler modeste. On a de l’argent, le montrer est péché. Le bling bling, c’était pour les autres, pour ceux dont cette ville gérait l’argent. On voyait alors de fiers résidents de la rue des Granges se déplacer dans de petites Renault et les villas cossues de Chêne-Bougeries ceintes de modestes japonaises.
Mais soudain, dans les années 1980, celles des yuppies et de l’argent, il s’est passé quelque chose. Un banquier privé dont on taira le nom est apparu sur le lac avec un catamaran rouge Ferrari, dépassant les jolies coques en bois de ses pairs. Dans la foulée, les Ferrari sont aussi apparues dans les rues, non pas seules mais dans un peloton de bolides. Si bien que la ville s’est peu à peu transformée pour devenir aujourd’hui un Salon de l’Auto à ciel ouvert, et tant pis si celui de Palexpo n’existe plus.
«C’est un peu comme si les austères protestants s’étaient laissé séduire par les goûts plus tapageurs de leurs clients», sourit un observateur genevois, avant de faire une allusion aux 25 supercars genevoises de Teodorin Obiang, le fils du président de Guinée équatoriale, séquestrées par la justice puis vendues aux enchères. Parmi lesquelles une Lamborghini Veneno Roadster blanc cassé et une Ferrari jaune, dévoilées au Salon de l’Auto en 2013, ont été les grandes vedettes de la vente, avec une Bugatti Veyron, une McLaren P1 et une Koenigsegg One.