Voici le 4e et dernier épisode de l'enquête de Republik sur le drame de la gare de Morges. Après l’autopsie et la cérémonie funéraire, les questions surgissent. Les policiers qui ont encerclé Nzoy sur un quai en août 2021 avant de l’abattre ont-ils mal réagi? La sœur de Nzoy est allée en juillet 2024 à Renens assister au procès en appel des six autres policiers, mis en cause dans la mort en 2018 de Mike Ben Peter. Leur acquittement a été confirmé, ce qui l’a plongée dans un désarroi renforcé quelques mois plus tard quand la même justice vaudoise a classé l’affaire Nzoy.
Il est 21h30 lorsque les médecins légistes commencent à examiner le corps de Nzoy. Outre le personnel médical et quelques policiers, le procureur vaudois Laurent Maye, chargé de l'affaire, est également présent.
La médecine légale examine les circonstances de la mort. Son constat: deux des trois cartouches sont logées dans le corps, dont une dans le muscle droit de l'abdomen. Elle a perforé l'artère pelvienne gauche et la veine cave. Cela a entraîné une hémorragie interne mortelle «en très peu de temps». Et n'était pas visible de l'extérieur. Il appartient donc à un tribunal de déterminer si les policiers ont commis une infraction en ne portant pas rapidement secours à Nzoy.
Le rapport toxicologique indique que Nzoy n'avait pas d'alcool dans le sang. Une analyse d'urine montre qu'il n'a pas pris de drogue.
Cette enquête est issue du magazine zurichois en ligne Republik. Le texte complet (en allemand) est disponible ici.
Sur son corps, les médecins trouvent un patch d'un électrocardiographe. En fait, Nzoy s'était rendu tôt lundi matin aux urgences de l'hôpital universitaire de Zurich. Il se plaignait de vertiges et «entendait des voix». Les médecins ont soupçonné une psychose aiguë et ont donc recommandé une prise en charge par un psychiatre. Mais Nzoy a quitté les urgences peu avant 9 heures – sans électrocardiogramme ni examen psychiatrique. Il est possible qu'il se soit rendu dans un autre hôpital avant de prendre vers midi le train en direction de la Suisse romande. L'hôpital universitaire de Zurich n'a vu aucun signe de comportement dangereux pour lui-même ou pour autrui.
18 heures et 31 minutes.
L'ambulance constate officiellement le décès de Roger Michael «Nzoy» Wilhelm, à l’âge de 37 ans.
Devant le crématorium de Sihlfeld, des photos défilent sur l'écran: Nzoy bébé dans les bras de sa mère, Nzoy avec des amis dans un pré, Nzoy lors d'un shooting vidéo. On y voit un homme de haute taille et de belle allure, avec une fine moustache et de longues boucles noires. Sur les vidéos, il sourit avec bonheur. Les yeux plissés, il sourit à la caméra et dit d'une voix chaleureuse: «I appreciate you all. Peace!»
Le pasteur pose l'urne à côté d'un portrait de Nzoy. A sa droite sont assis Evelyn Wilhelm, son frère aîné et des amis proches. A sa gauche, le père de Nzoy avec sa femme et ses enfants.
Le pasteur était l'un des proches de Nzoy depuis qu'il l'avait baptisé dans une rivière quinze ans plus tôt. Dans l'un de ses derniers messages, Nzoy a écrit au pasteur qu'il n'avait pas beaucoup de raisons de sourire en ce moment. Il lui a envoyé une photo de Jésus entouré d'anges. «I'm not alone», a écrit Nzoy.
Si – le mot pèse lourd dans ces circonstances.
Les personnes présentes ont toutes lu les articles d'actualité qui font la part belle à la version de la police. Il y est question de «menaces au couteau», et d'un attentat islamiste qui a eu lieu un an plus tôt à Morges.
Or les proches contestent que Nzoy ait été dangereux. Si tant est qu'il ait été dangereux, il l'était pour lui-même. Les policiers, disent les proches, ont complètement mal évalué la situation.
Pourtant, son frère n’avait besoin que d’une chose: de l'aide.
Même des experts comme le psychothérapeute et professeur de psychologie Udo Rauchfleisch, après avoir étudié les vidéos, les messages radio et les témoignages du dossier d'enquête, affirment que Nzoy n'était pas agressif ou dangereux, mais craintif et retiré. Jusqu'à ce que la police l'encercle. «Il n'a sorti le couteau que lorsqu'il s'est senti menacé.»
Le fait que Nzoy ait eu l'air menaçant est donc aussi le récit de policiers qui ont craint d'avoir à rendre des comptes pour homicide. Dans d'autres cas, leurs déclarations seraient requalifiées comme des allégations destinées à se protéger.
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