Que de chemin parcouru, depuis la machine à courir du baron Drais. De la sommaire fourche en bois allant cahin-caha aux bijoux profilés en fibre de carbone, nous retraçons l'histoire du vélo, grâce aux photographies de l'exposition «Vélo, Équilibres en mouvement» au Musée Rath de Genève.
En 1817, le baron allemand Karl Drais von Sauerbronn invente une machine à courir. Elle est munie de deux roues et on s’y assoit à califourchon pour se propulser comme sur une trottinette, laquelle n’existe pas encore.
Presque un demi-siècle plus tard, au printemps 1861, le serrurier parisien Pierre Michaux a l’idée de munir la draisienne d’un pédalier. Il n’est pas tout à fait le premier, mais c’est lui qui, avec son frère, lance l’épopée du vélocipède à pédales. «Vélo», pour les intimes.
Cette fresque a fait l’objet en 2024 d’une exposition au musée Rath de Genève, «Vélo, Équilibres en mouvement», accompagnée de la parution du catalogue illustré aux éditions Favre. Les photographies de ce porfolio en sont issues. Elles reflètent l’évolution des techniques, bien sûr, mais aussi celle des usages et de la société qui les a fait naître.
«D’un amusement pour aristocrates et bourgeois, [le vélo] est devenu l’emblème des ouvriers du monde entier et la machine qui fait rêver les amateurs de sport populaire», y explique Laurence-Isaline Stahl Gretsch, une des commissaires de l’exposition, avant qu’il ne redevienne «un objet de luxe et de prestige social», voire un bijou de haute technologie.
Voici cette histoire en trente clichés, et le double de roues.
Toutes les photos sont signées André Longchamp et Philippe Wagneur, pour le Muséum de Genève, et reproduites avec l’aimable autorisation de l’institution.
20 kg | Bois, fer | (Collection JMD)
Inventée en 1817 par le baron allemand Karl Drais von Sauerbronn, la draisienne est un engin muni de deux roues alignées le long d’une poutre en bois que l’on pousse avec les pieds. Appelée Laufmaschine en Allemagne, hobby horse en Angleterre, la draisienne connaît une brève période de gloire auprès de la haute société avant de tomber dans un relatif oubli.
26 kg | Bois, fer, fonte | Michaux et Cie, Paris (Collection Schutz)
En 1861 apparait le vélocipède à pédales. Il aurait été inventé par I’artisan serrurier Pierre Michaux. Celui-ci semble avoir été le premier à équiper la roue avant d’une draisienne de manivelles et de pédales pour la faire tourner à la manière d’une meule de rémouleur.
22 kg | Acier, fer | Jules Grenat, Genève (Collection MAH)
Le grand bi possède une roue avant de grand diamètre munie d’un pédalier et une petite roue arrière. Cette configuration permet d’augmenter la distance parcourue par tour de pédales et donc d’aller plus vite que le vélocipède. Très prisé des sportifs, le grand bi ne rencontre qu’un succès mitigé auprès des autres cyclistes, en raison de sa dangerosité.
23 kg | Acier, cuir, caoutchouc | American Star Bicycle, USA (Collection JMD)
Avec sa fourche dans le prolongement de la colonne de direction, sa petite roue avant et sa transmission directe sur le moyeu arrière, ce modèle d’American Star est infiniment plus stable que son devancier, le grand bi.
52 kg | Acier, caoutchouc, cuir | Howe, Glasgow (Collection JMD)
Ce tricycle de 52 kg comprend plusieurs innovations techniques, comme le différentiel qui permet aux deux roues motrices de tourner à des vitesses différentes dans un virage. Il est aussi équipé d’une direction à crémaillère commandée par une poignée qui pivote. Enfin, il est muni d’un frein à tambour agissant sur l’arbre de transmission au moyen d’une sangle en cuir.
32 kg | Acier, caoutchouc, cuir | (Collection Musée du vélo, Chippis)
Dans les années 1880, la bicyclette cherche encore sa forme définitive. Cette machine comprend un corps horizontal sur lequel viennent s’agréger par le biais de haubans le pédalier et la roue arrière. La solution est peu satisfaisante en termes de solidité et de rigidité.
16 kg | Acier, caoutchouc, cuir | Humber, Angleterre (Collection Musée du vélo, Chippis)
Avec ce cadre en forme de diamant qui permet de répartir les contraintes sur l’ensemble des tubes, la bicyclette a trouvé un équilibre entre poids, solidité et position de pédalage.
40 kg | Acier, caoutchouc | La Pavane, Paris (Collection JMD)
Tricycle à transmission manuelle produit par la Manufacture d’appareils la Pavane à Paris. La colonne de direction munie d’un volant sert à la fois à diriger et à propulser l’engin. Commandé par un levier à main, le frein agit sur l’axe de transmission. Concentrant toutes les commandes au niveau des mains, ce véhicule était destiné notamment aux blessés de guerre.
10 kg | Acier, caoutchouc et cuir | Peugeot, Valentigney, France (Collection Musée du vélo, Chippis)
Ce vélo de course présente une géométrie spécialement adaptée à la piste, visant à gagner en aérodynamisme et en stabilité. Pour alléger la machine, les jantes sont en bois et chaussées de boyaux en coton ou en soie collés. Le plateau du pédalier arbore le motif du Lion Peugeot.
18,2 kg | Acier, caoutchouc et cuir | Allemagne (Collection JMD)
Ce vélo pour dame de fabrication allemande est équipé d’une transmission sans chaîne à arbre et de pignons coniques.
Ancêtre des vélos cargos actuels, ce triporteur équipé d’un coffre en bois surmonté d’une galerie de rangement a été construit par l’entreprise parisienne Juery et Cie, spécialisée dans les engins utilitaires. Techniquement élaboré avec son train avant suspendu, mais doté d’un unique frein arrière, d’une seule vitesse et d’une direction lourde à manœuvrer, l’engin n’a toutefois pas été conçu pour circuler sur de grandes distances.
9,5 kg (sans pédales) | Acier, caoutchouc, cuir | Oscar Egg (Collection privée)
Mis au point en 1932 par le champion suisse Oscar Egg, le dérailleur Super Champion à quatre vitesses est le premier dérailleur autorisé sur le Tour de France dès 1937. À ce titre, il connaît une très large diffusion, équipant les meilleures machines de compétition. Une fourchette commandée par un câble déplace la chaîne latéralement d’un pignon à l’autre. La tension de la chaîne est maintenue constante au moyen d’un bras placé sous le pédalier.
19,7 kg | Acier, aluminium, caoutchouc, cuir | Hawthorne, USA (Collection Musée du vélo, Chippis)
20,6 kg | Acier, caoutchouc, cuir | Ideal van Leisen, Genève, Suisse (Collection Lancosme)
Construit pendant la Seconde Guerre mondiale, ce vélo de type anglais est équipé d’un certain nombre d’accessoires fabriqués en Suisse pour pallier les pièces britanniques manquantes. Sur cette machine, la transmission est fournie par la Fabrique suisse de vis et boulons Vibo à Yverdon.
10,1 kg | Acier, caoutchouc, cuir | Condor, Courfaivre, Suisse (Collection Musée du vélo, Chippis)
Ce très beau vélo pour coureurs professionnels est équipé d’une transmission Campagnolo et de freins Weinmann. Les leviers de freins sont percés pour gagner du poids. La qualité du vélo est à la hauteur de sa finition: raccords de direction chromés, demi-chromage de la fourche et de la base.
7,9 kg | Acier, caoutchouc, cuir | Allegro, Neuchâtel, Suisse (Collection Säusser)
Ce vélo pour enfant innove avec son cadre formé de deux tubes en acier courbés et jumelés. Il se distingue par sa remarquable finition: raccords ciselés, peinture bi-ton, pneux ballon, carter de chaîne ajouré et fanion décoratif.
33,5 kg | Acier, aluminium caoutchouc, cuir | Condor, Courfaivre, Suisse (Collection Musée du vélo, Chippis)
Ce vélo postal est conçu pour porter des charges élevées. De ce fait, tous les composants, notamment le porte-sacoche avant et le porte-paquet arrière, sont renforcés et solidaires du cadre. Ce modèle est par ailleurs équipé d’un frein à tambour à l’avant et d’un torpédo arrière pour assurer un freinage efficace par tout temps.
18 kg | Acier, aluminium, caoutchouc, cuir | Raleigh, Angleterre (Collection Musée du vélo, Chippis)
Dans les années 1970, les États-Unis connaissent un boom cycliste qui se matérialise par l’apparition de nouveaux modèles inspirés de la moto, comme ce chopper tout droit sorti d’Easy Rider. Comme les motos, ce vélo est doté d’une selle à dossier, d’une petite roue avant et d’un guidon élevé de type ape hanger (litt. «suspensoir à singe»). Le changement de vitesse sur le tube horizontal évoque le levier d’une voiture automatique.
10,4 kg | Aluminium, caoutchouc, cuir | Bickerton, Angleterre (Collection Musée du vélo, Chippis)
Dans les années 1970, la mode est au mini-vélo, si possible pliable pour être rangé dans le coffre d’une voiture. Cette machine se distingue par son cadre en forme de poutre qui se plie en deux et son guidon surdimensionné.
9,3 kg | Acier, aluminium, caoutchouc, cuir | Gitane, Machecoul, France (Collection privée)
Cette bicyclette en aluminium de marque Alan commercialisée par Gitane se distingue par son groupe Shimano Dura Ace. Quand cette machine arrive sur le marché en 1977, personne n’imagine que l’équipementier japonais deviendra vingt ans plus tard le leader mondial dans ce domaine. Ce groupe est très largement inspiré de la référence de l’époque: le Campagnolo Nuovo Record.
19 kg | Plastique | Itera Plast, Suède (Collection JMD)
Développé par le constructeur automobile Volvo, ce vélo est entièrement en plastique, y compris la fourche et les roues. Lourde et peu rigide, la machine est de surcroît peu élégante. Elle témoigne de la difficulté de remplacer les métaux par du plastique dans la fabrication des bicyclettes.
22,5 kg | Acier, caoutchouc, cuir | Condor, Courfaivre, Suisse (Collection PHH)
Conçu en 1905 selon un cahier des charges extrêmement strict, comme par exemple de résister à la chute depuis un camion roulant à 20 km/h, ce vélo militaire suisse est fabriqué intégralement avec des composants usinés dans le pays. Cinq constructeurs (Condor, Cosmos, Schwalbe, Zesar et MAFAG) le proposent à l’identique, seul le dessin du pédalier permettant de les distinguer.
13,7 kg | Acier, aluminium, caoutchouc, cuir | Constructeurs divers (Collection Péclôt 13)
Dans un idéal de promotion du vélo à Genève, le groupe de liaison des associations de jeunesse met à disposition en libre-service en 1986 une centaine de vélos d’occasion peints en rose. L’expérience tourne court. La plupart des machines sont vandalisées ou jetées dans le Rhône.
9,9 kg | Carbone monobloc, aluminium, kevlar, céramique | Look, France (Collection Musée du vélo, Chippis)
Le fabricant français Look est le grand spécialiste du vélo en carbone entre 1980 et 2000. Les qualités du carbone sont exploitées de façon à optimiser l’aérodynamisme et la rigidité de cette machine de course contre-la-montre. Les tubes cylindriques ont laissé place à une structure d’un seul tenant dont le profil a été défini en soufflerie.
23,1 kg | Aluminium, caoutchouc, cuir | Go y Hansen, Johannesburg, Afrique du Sud (Collection Marthaler)
Ce vélo a été utilisé par le cyclonaute et écrivain genevois Claude Marthaler durant son tour du monde entre 1994 et 2001. Après avoir cassé trois cadres de sa machine durant son périple, le cycliste genevois s’est fait offrir ce quatrième cadre en acier par un artisan de Johannesburg, Go y Hansen, lors de son passage en Afrique du Sud en 1999. Le cadre est renforcé par deux haubans qui relient le haut du tube de direction aux pattes arrière.
Carbone, aluminium, caoutchouc, cuir | Vitus, St-Chamond près de St-Etienne, France (Collection Musée du vélo, Chippis)
Ce vélo a appartenu au cycliste genevois Bruno Boscardin alors qu’il était coureur professionnel pour l’équipe suisse Post Swiss Team. Ce vélo 100% français est équipé d’un des premiers dérailleurs arrière électroniques (sans fil) du constructeur Mavic.
8 kg | Acier, aluminium, caoutchouc, cuir | Look, France (Collection JMD)
Ce vélo de piste se destine aux épreuves de sprint. Pour éviter de déchausser lors des efforts les plus intenses, le coureur a ache ses chaussures aux pédales avec des sangles. Le guidon est en acier pour assurer une meilleure rigidité. Toute la conception du vélo est régie par la recherche de rigidité et de pénétration dans l’air.
20,6 kg | Acier, aluminium, caoutchouc, cuir | Canondale, Fulcrum, Etats-Unis (Collection Musée du vélo, Chippis)
Ce modèle tout terrain conçu pour les épreuves de descente (downhill) a appartenu à la championne française Anne-Caroline Chausson. Conçu pour un usage spécifique, ce vélo d’une grande technicité est doté d’un cadre en aluminium surdimensionné et de suspensions à très grand débattement.
10 kg | Carbone, aluminium, caoutchouc, cuir | CAT Cheetah, Büsswill, Suisse (Collection Musée du vélo, Chippis
Ce vélo en carbone suisse a appartenu à la triathlète suisse Natasha Badmann, vainqueur de l’Iron Man d’Hawaï en 1998. Sur cette machine, tout a été conçu pour optimiser l’aérodynamisme: cadre monocoque taillé en forme de lame, petites roues de 65 cm de diamètre avec trois bâtons en guise de rayons, guidon avec prolongateur pour une position couchée.
7,5 kg | Carbone, acier, aluminium, caoutchouc, cuir | Canyon, Allemagne (Collection Elise Chabbey)