On a découvert dans l’épisode précédent que Nzoy, un Zurichois de 37 ans, errait le 30 août 2021 sur un quai de la gare de Morges et gênait le trafic des trains. Un cheminot a tenté en vain d’engager la conversation avant d’appeler la police. Dans ce 2e épisode, on apprend que deux patrouilles vont se présenter sur le quai, provoquant un comportement plus erratique de Nzoy, qui avait un couteau dans les mains. L’histoire finit mal, évidemment, mais elle a peut-être commencé 24 ans plus tôt au bord du lac de Zurich.
«On est en contact», lance par radio le policier de la patrouille 696, la première des deux qui arrivent à la gare de Morges. Un gendarme et une agente. Ils se dirigent rapidement vers l'extrémité du quai 4, où se trouvent deux employés des chemins de fer. Ainsi que Nzoy.
17h58 et 2 secondes. Une minute avant que les coups de feu ne soient tirés.
Jusque-là, tout se passe bien.
Deux autres policiers sont en route pour la gare. La patrouille 803. Un sous-officier et l’appointé K. Ils étaient déjà en voiture dans la direction d’un passage souterrain au nord de la gare lorsque le mécanicien composait le numéro d'urgence [à 17h55, voir épisode 1].
Cette enquête est issue du magazine zurichois en ligne Republik. Le texte complet (en allemand) est disponible ici.
Les deux policiers de la patrouille 803 ont passé une journée tranquille. La seule intervention notable a eu lieu le matin, lorsqu'ils ont dû arrêter un homme désorienté et le ramener au poste. Après le déjeuner, ils ont patrouillé pour le reste de l’après-midi, le sous-officier au volant, et l’appointé K. sur le siège passager. Ce dernier n'a pas encore 30 ans, cela fait quatre ans qu'il travaille à la police régionale de Morges. C'est son premier poste de policier.
Alors que les deux agents passent derrière la gare, ils apprennent par radio qu'un homme se trouve sur les voies. Ils n'en savent pas plus, déclarera plus tard le policier K. lors d'un interrogatoire.
Il y a beaucoup d'échanges radio. Les deux policiers ne peuvent pas s’annoncer pour l’intervention, car il y a toujours quelqu'un d’autre sur les ondes. Ils apprennent qu'une patrouille s'est déjà mise en route. Ils décident tout de même de s'y rendre, par leurs propres moyens.
Ils allument le gyrophare et la sirène.
Cela s'est passé le dernier week-end de juin 1997. Nzoy avait 13 ans. Il se trouvait avec des amis sur la promenade de Seefeld de Zurich pour jouer au foot et écouter de la musique. Par hasard, Nzoy a alors croisé un camarade de classe.
Soudain, la police est arrivée. Les agents ont accusé l'ami de Nzoy d'avoir dépouillé des gens avec d'autres jeunes. Ils l'ont emmené au poste. Nzoy a été embarqué aussi, car les policiers soupçonnaient qu'il faisait le guet pour le groupe. Il a été enfermé dans une cellule du poste de police. Ce n'est que le lendemain que les agents ont appelé sa sœur.
– Un policier m'a dit qu'ils avaient arrêté mon frère.
C'était le 29 juin 1997, un dimanche. Evelyn Wilhelm s'en souvient très bien.
– Il n'était qu'un enfant, dit-elle.
La police a pris les empreintes de tous les doigts de Nzoy, a établi une carte dite dactyloscopique et a enregistré les données dans le système: Roger Michael Wilhelm, 10.3.1984. Numéro de référence PCN 36 507027 29.
– Ils n'ont rien trouvé contre lui, dit Evelyn Wilhelm. Après tout, il n'avait rien fait.
Malgré cela, les policiers ont gardé Nzoy une nuit de plus en prison. 48 heures de garde à vue pour un enfant de 13 ans. Il n'y a pas eu de procès sur le fond. Mais les données du mineur Nzoy n'ont jamais été effacées.
– Le policier avec qui j'ai parlé m'a dit: «C'est bon pour la dissuasion. Comme ça, il ne se retrouvera plus chez nous à l'avenir», se souvient Evelyn Wilhelm.
Lorsque la sœur est venue chercher Nzoy, il n’était qu’un tas de misère. Il pleurait, il avait très peur. Ce n'est que plus tard qu'il a voulu parler avec elle de ce qu'il avait vécu, dit-elle. Il était choqué qu'on lui ait retiré les lacets de ses chaussures en prison pour éviter un suicide.
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