Quand Wassyl est tombé sous la balle d’un sniper russe, l’Ukraine a dû gérer le cas délicat de ce volontaire venu de France, célèbre de surcroît, décédé en première ligne. Une ancienne haut-gradée se livre sur cet épisode, avant de se laisser aller à des confidences plus personnelles...
«On m’a appelée vers midi: il y avait le premier mort. Je devais venir reconnaître le corps, évacué à un kilomètre du front. J’ai ouvert le grand sac noir. Je n’avais jamais vu ce gars, pourtant je connaissais tous les militaires de mon groupe. Un des chefs de bataillon m’a dit: ‘Regarde bien son visage’. On aurait dit un acteur hollywoodien. Il avait une belle coiffure, il portait un tee-shirt noir avec un dessin rouge et un bracelet de Praviy Sektor. J’ai vite compris que ça n’était pas un de nos soldats. Voilà, c’était ce qu’on redoutait le plus: la mort d’un volontaire.
«On a contacté les gars de Praviy Sektor sur la ligne de défense, ils nous ont expliqué que cet homme était derrière la mitrailleuse et qu’une balle avait ricoché sur son arme puis, était allée se loger dans sa jambe, dans son artère fémorale. C’est la pire des blessures sur le front, plus haut ou plus bas, tu peux survivre, mais là tu te vides de ton sang, en deux minutes tu es mort. Sur le corps, j’ai trouvé sa «carte». Il n’avait mis aucun contact d’urgence, comme le font les autres, seulement ‘Wassyl Slipak, Myth’, sa date de naissance, et pour l’adresse, il avait mis ‘Ukraine (France)’, c’est tout. J’ai fait un rapport. Et on a déposé le corps à la morgue de Bakhmout. Vers 20 heures, j’ai un appel du bureau militaire central. ‘Sais-tu qui était cet homme?’ Non, ni moi ni personne ici. ‘C’était un grand chanteur, très connu, un chanteur d’opéra qui venait de France et qui a chanté dans les meilleurs théâtres du monde.’ Là, je me suis dit qu’on allait nous poser beaucoup de questions. C’était la pire des situations. »
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