Aux Etats-Unis, les pro et les anti-avortement se livrent à une guerre de position. Dans cette ancienne antenne du planning familial de l’Iowa, on fait mine de conseiller les femmes enceintes pour mieux les dissuader d’avorter. Depuis quelques mois, la loi locale vient à l’appui de cette politique pro-vie. Au point que l’Iowa pourrait, par réaction, voter pour Kamala Harris à l’élection présidentielle.
«Voici notre chapelle. Avant, c’était la salle de repos où les femmes venaient après l’avortement. On l’a nommée d’après le père Logan, grand protecteur des bébés, qui a béni notre équipement d’échographie obstétricale.»
L’employée du Women’s Choice Center regarde avec tendresse la photo du religieux qui, une bible à la main, bénit cette salle où il n’est désormais plus vraiment question d’avortement. A quelques jours de l'élection, je visite cette ancienne antenne du Planning familial de Bettendorf, dans l’Est de l’Iowa, rachetée en 2018 par une organisation pro-life (anti-avortement) pour inciter les femmes à aller au terme de leurs grossesses.
Une nouvelle loi, validée par la Cour suprême de l’Iowa le 28 juin 2024, interdit l’avortement dès qu’un rythme cardiaque est détectable, ce qui survient à partir d’environ six semaines de grossesse. Son surnom: heartbeat bill, la loi du premier battement de cœur.
Dans le cadre de l’élection présidentielle où s’opposent Kamala Harris et Donald Trump, cette loi est devenue un fait de campagne. Dans l’Iowa, près de 6 électeurs sur 10 (59%) se déclarent opposés à la nouvelle loi, selon un sondage du quotidien Des Moines Register. Le même journal a publié le 3 novembre dernier un autre sondage plaçant Kamala Harris en tête des intentions de vote, après une bascule du vote féminin.
Depuis le rachat du planning familial par le Women’s Choice Center, un mur mémorial a été construit pour «honorer les enfants décédés suite à un avortement, une fausse couche ou de maladie». Il est décoré d’une grande statue en bronze représentant un couple effondré tenant un bébé mort dans leurs mains. Le bâtiment est imposant. Il se veut coloré et chaleureux. Dans la salle d’attente, des vidéos d’embryon et de fœtus passent en boucle. Des peintures de jeunes enfants décorent les murs, des jeux en bois sont disposés au sol. «Ca n’a pas été un moment de réjouissance quand on a pris possession du lieu», me confie gravement l’employée du centre. «C’était sale, c’était triste. Des enfants ont été tués, des femmes ont souffert.»
La quinquagénaire m'emmène dans un des bureaux où les familles sont accueillies et conseillées. Au mur, la photo d’un bébé porte l’inscription «Gabriel, sauvé d’une IVG médicamenteuse, né en novembre 2022». «Nous avons déjà eu des mères, des grands-mères qui venaient avec leurs filles pour demander un avortement. Nous demandons alors à la personne accompagnatrice de quitter la pièce et nous essayons de savoir si la femme est contrainte d'avorter. Nous informons alors l’accompagnante qu’il est illégal d’obliger à avorter en Iowa. Nous protégeons les femmes des pressions extérieures.»
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