La nouvelle loi sur les produits du tabac interdit la vente aux mineurs depuis le 1er octobre 2024. Mais la responsabilité de sa mise en œuvre effective incombe aux cantons, dont plusieurs ont l’habitude bien documentée de traîner des pieds. Il faudrait que la Suisse se réveille et mettre en œuvre un vrai contrôle, s’agace notre chroniqueur Michel Huissoud, ex-Contrôleur général des finances à Berne.
Vous voulez ouvrir aujourd’hui un nouveau café pour fumeurs? Pas un simple fumoir, mais un établissement dans lequel tout le monde fume, y compris le personnel? Pas de problème. L’Observatoire de la santé a identifié les cantons qui ne l’interdisent pas. Par exemple, Schaffhouse, le Jura, Lucerne, Argovie, Appenzell Rhodes-Intérieures, Schwytz ou la Thurgovie.
Les conditions posées par le droit fédéral semblent strictes: au maximum 80 mètres carrés, une ventilation d’au minimum 33 mètres cubes d’air frais par heure et par occupant, des contrats de travail dans lesquels le personnel «accepte» de travailler dans la fumée.
Mes déplacements dans ces cantons ont montré une autre réalité. Des locaux totalement enfumés et sans ventilation, des fumoirs qui ne sont pas isolés, voire pas séparés du reste de l’établissement, des employés qui m’expliquent qu’ils n’ont pas le choix s’ils veulent travailler.
C’est peut-être le moment de rappeler qu’en Suisse, plus de 26 personnes décèdent chaque jour des suites du tabagisme. Soit 9'600 décès par an. Largement plus que le Covid….
Mais revenons à nos fumoirs. Qui contrôle le respect des conditions et s’occupe de la protection du personnel et de la clientèle? A la Confédération, personne ne se sent concerné: ni les inspecteurs fédéraux du travail, ni l’OFSP. Les cantons surveillent. Ou ne surveillent pas, les offices fédéraux n’en savent rien.
La situation est-elle meilleure pour les cigarettes électroniques ? Le laboratoire cantonal bâlois a publié le 15 décembre 2023 un rapport qui montre qu’aucune des 32 cigarettes électroniques examinées n’est conforme à la législation. Que font les autres chimistes cantonaux? Et que fait la Confédération si les cantons ne contrôlent pas? Après le rapport bâlois, l’Association suisse pour la prévention du tabagisme a effectué des sondages auprès de tous les cantons. En septembre 2024, elle ne constatait aucune réaction des autorités. Questionné, l’OFSP indique que les cantons sont libres d’effectuer les contrôles pertinents par rapport aux différents produits du tabac.
Dernier exemple. La nouvelle loi qui vient d’entrer en vigueur au 1er octobre 2024 interdit désormais toute vente de produits du tabac en-dessous de 18 ans. On l’oublie parfois, deux cantons (Appenzell Rhodes-Intérieures et Schwytz) n’avaient jusque-là jamais interdit la vente de cigarettes aux mineurs.
La loi prévoit notamment des contrôles par achats tests, qui sont de la compétence des cantons. Que fera l’OFSP si ces cantons ne s’acquittent pas de cette obligation? Réponse de la porte-parole de l’office: «Les cantons sont libres de mettre en place des achats tests ou non.»
Les trois exemples cités montrent pourtant que certains cantons ne veulent pas ou ne sont pas en mesure d’assurer les tâches de surveillance pour lesquelles ils sont aujourd’hui seuls responsables. Une solution élégante serait que le Parlement fédéral donne à la Confédération le droit d’effectuer des contrôles subsidiaires si les cantons n’en font pas suffisamment.
Pas certain que le PLR et l’UDC, qui sont officiellement soutenus par les cigarettiers, seront d’accord avec une telle solution.