Dans sa quête des racines du folklore chilien, Violeta Parra a vécu un mois chez une machi, c'est-à-dire une chamane mapuche, peuple autochtone décimé par les colons espagnols. Notre journaliste partie sur ses traces tente la même expérience avec la machi Rosa Barbosa, durant lesquels son âme est mise sur écoute.

Quand Isabel Allende a écrit l’histoire de son pays, l’écrivaine, nièce du président Salvador Allende a appelé l’une de ses protagonistes Violeta, en hommage à cette chanteuse, militante et féministe avant l’heure (elle me l’a confirmé par courriel). Violeta Parra, vivante ou morte, représente le petit peuple, les ouvriers, les laissés-pour-compte et les indigènes. Elle vibre aux couleurs du communisme et défile aux côtés des idéalistes qui rêvent de voir les paysans posséder leurs champs, les femmes étudier dans les écoles et le Chili rendre leurs possessions aux Mapuches, le «peuple de la terre», qui vivait sur les terres de Patagonie bien avant l’arrivée des colons.

«Mais vous êtes indienne?», demandait à Violeta la journaliste romande Marie-Magdeleine Brumagne, lors d’un reportage à Genève, rue Voltaire, diffusé le 3 juillet 1965. Dans la cour qui servait de lieu de vie à une poignée d’artistes, poètes et sculpteurs, se trouvait l’atelier modeste que la musicienne partageait avec son amoureux, Gilbert Favre. «Ma grand-mère était indienne, mon grand-père était espagnol. J’ai un petit morceau de sang indien. Tu vois comment je vis? Je vis presque comme les Indiens». Quand Violeta parle de sang indigène, elle fait référence au peuple mapuche.

Missionnaires revenus les pieds devant

L’activiste, les cheveux décoiffés, longs et noir de jais, décrit ensuite ses toiles. Sur une tapisserie, elle déverse sa colère, celle de la révolte des paysans et des Indiens. Pour la caméra, Violeta danse, peint, tisse, chante et joue de la guitare dans la petite pièce de ce patio surnommé la cour des miracles. Qui aurait cru que ce reportage en noir et blanc deviendrait incontournable en Amérique du Sud? Tous les doctorants qui se penchent sur Violeta Parra le citent.

Après San Carlos, San Fabian de Alico et une brève halte à Chillán où Eduardo «Lalo» Parra, un autre de ses frères musiciens, a été enterré en grande pompe à ses 90 ans en 2009, je quitte la province de Ñuble pour rejoindre encore plus au sud la terre de ces guerriers indigènes qui ont repoussé les Conquistadors puis les Chiliens. Durant trois siècles, tant les envahisseurs que les Jésuites partis convertir les Mapuches sont revenus de l’autre rive du fleuve Bíobío, leur frontière naturelle, les pieds devant. Dans sa quête du folklore chilien, Violeta avait entrepris, dès 1958, de sauver le patrimoine de cette ethnie, qui compte deux millions de personnes aujourd’hui.

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Amour, labeur et spiritualité

Dans le livre Violeta Parra en el Wallmapu, Paula Miranda, Elisa Loncon et Allison Ramay ont répertorié les textes des chansons mapuches qu’elle avait compilés en six thématiques majeures: l’amour, le mensonge et la tromperie, le labeur, les choix et décisions que l’on prend, les berceuses et la spiritualité. Pour ce dernier thème, Violeta a vécu un mois chez Maria Painen Cotaro, une chamane. Les Mapuche nomment leur cheffe spirituelle: une *machi*.

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