Nous sommes à bout touchant dans la saga qui part de l'identification de l’hormone GLP-1 et aboutit à la commercialisation par Novo Nordisk de l’Ozempic/Wegovy, ce médicament que le monde entier s’arrache. Son prédécesseur ayant été approuvé au tournant des années 2010, le chemin pourrait sembler tout tracé. Ce serait mal connaître la pharma, où rien ne s'obtient que de haute lutte…

En 2014, Novo Nordisk peut crier victoire. Le laboratoire danois vient d’obtenir le feu vert de l’agence américaine du médicament pour vendre son antidiabétique GLP-1, le liraglutide, afin d’aider les patients obèses à perdre du poids. Ce médicament, le Saxenda, est une première mondiale: jusque-là, les tout nouveaux analogues de GLP-1 étaient réservés au diabète. La perte de poids promise, 8% en moyenne, est modeste, mais c’est un premier pas dans un marché infini, celui de la minceur.

Pendant ce temps, le développement du sémaglutide, le successeur du liraglutide sur lequel Novo fonde de grands espoirs, est déjà en route. Les travaux sur ce qui deviendra le fameux Ozempic/Wegovy ont débuté en interne en 2002. Mais comme toujours dans ce milieu hostile qu’est la recherche biomédicale, il a fallu surmonter bien des obstacles pour éviter que ce frêle esquif ne finisse échoué dans le sable.

Le vent du boulet

A Copenhague, au siège de la fondation Novo Nordisk qu'il préside aujourd’hui, Mads Krogsgaard Thomsen, qui était à l’époque directeur scientifique de l’entreprise, relate ces débuts sous pression. «Nous avions échoué sur un projet de traitement du diabète de type 2  avec des petites molécules chimiques. Mon conseil d’administration m’a dit ‘vous devriez licencier vos chimistes parce que vous réussissez avec les produits biologiques, mais pas avec les molécules chimiques’.»

Voilà qui mérite un mot d’explication. Il est d’usage de distinguer, dans le monde de la pharma, entre deux grandes technologies.

Le liraglutide et le sémaglutide de Novo Nordisk, tout comme l’hormone GLP-1 dont ils sont dérivés, sont quant à eux des peptides, c’est-à-dire des petites protéines. Il s’agit d’une catégorie en quelque sorte intermédiaire: ce sont des biomédicaments, mais leur taille réduite leur permet d’être produits par génie biologique ou par synthèse chimique.

Quant à Novo Nordisk, c’est un pionnier des biotechnologies. L’essentiel de ses revenus provient de la vente de médicaments biologiques, comme l’insuline contre le diabète et des facteurs de coagulation contre l’hémophilie. Avant, bien sûr, que les analogues de GLP-1 n’emportent tout sur leur passage…

«A la demande du conseil d'administration, je me suis rendu dans notre centre de recherche en Suède où se trouvaient 120 de nos chimistes, poursuit Mads Krogsgaard Thomsen. Je devais en licencier la moitié. C'étaient des amis, j’en avais perdu le sommeil la nuit d’avant. Et puis je me suis souvenu qu’en 1996, ce qui avait sauvé le liraglutide c’était justement d’avoir fait confiance aux chimistes.»

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