Notre journaliste poursuit son voyage au Chili sur les traces de Violeta Parra. Elle frappe à la porte de Patricio Castillo, survivant d’un âge d’or de la musique engagée de son pays, qui a eu la chance de se trouver à Paris le jour du coup d'Etat de Pinochet. Il a échappé à la torture et l'exécution, mais se souvient bien de Violeta et de son amoureux genevois, Gilbert Fabre.

Violeta s’est suicidée en 1967. Elle n’a pas vu son ami Salvador Allende occuper le siège de président durant les 1000 jours de son mandat. Elle avait épousé à 19 ans Luis Cereceda, cheminot et membre du Parti communiste chilien. Un mouvement qu’elle soutiendra à sa manière en composant des chants militants ou en voyageant en URSS. Ses aînés, Isabel et Ángel, naissent de cette première union et s’empressent de marcher sur les traces de leur mère en devenant aussi de célèbres chanteurs, musiciens et artistes engagés.

Violeta tient alors son foyer, à l’image d’une épouse parfaite de cette décennie, tout en jouant du boléro et du flamenco dans des cabarets, en duo avec sa sœur Hilda elle aussi guitariste. Mais il manque une épice à sa vie. De son deuxième mariage en 1948, elle aura deux autres filles: la plus jeune décède d’une maladie alors qu’elle n’avait que quelques mois, emportant un bout d’âme de notre musicienne.

Va, vis et deviens

Elle qui manie aussi bien la guitare que la plume suit le conseil de son frère aîné, qu’elle vénère. Nicanor Parra, l’antipoète et ami de Pablo Neruda, lui lance un jour de 1953: «Va, vis et deviens». Non, il ne lui a pas dit ça, je paraphrase. Il lui conseille cependant d’user de son talent pour révéler aux Chiliens le folklore en voie d’extinction de leur pays. Il n’a pas tort, Elvis Presley va pointer son nez d’ici peu et mettre le feu sur les dancefloors des quartiers chics de la capitale.

Violeta, parfois flanquée de ses aînés, traverse son pays à la découverte des richesses cachées. Sa guitare sur le dos, elle entre dans les villages à la recherche de chanteurs populaires, souvent âgés, comme Isaias Angulo, un paysan sourd aux doigts magiques, le prophète du guitarron, cette guitare à 25 cordes, vu dans l’épisode précédent. Les paysans lui transmettent oralement leur savoir. Avec patience, elle annote puis enregistre près de 3000 airs. La radio de Concepción lui offre une émission: Canta con Violeta, qui la rend célèbre à l’échelle nationale auprès d’un public avide de découvrir ses racines. «Mais je connais cette chanson, ma grand-mère me la chantait quand j’étais enfant», diront ses auditeurs qui, pour la remercier, lui envoient des milliers de lettres.

Adoubée par Bob Dylan

Elle essaie de répondre à tous mais manque d’argent pour payer les timbres. «Envoyez-moi une lettre affranchie pour que je puisse vous répondre», les supplie-t-elle dans son émission. Une certaine classe sociale chilienne twiste, une autre danse la cueca ou le flamenco, héritages de la domination espagnole. Et grâce à Violeta, la musique chilienne est sauvée de l’oubli et mise sous les feux des projecteurs.

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DansVioleta Parra, ma mère, paru en 2011, Ángel Parra se rappelle avoir porté le lourd enregistreur d’un village à un autre pour aider sa mère dans les années 1950 à immortaliser les chants campagnards. Son livre servira de point de départ au film Violeta se fue a los cielos («Violeta est allée au paradis») d’Andrés Wood. Récompensé au festival de Sundance en 2012, ce film reste l’un des seuls moyens pour le grand public international d’en savoir plus sur celle qui fut à l’origine de la folk music, selon un certain Bob Dylan.

L’admiration de la nouvelle génération

Isabel et Ángel grandissent dans l’univers musical de leur mère et la suivent lors de son deuxième voyage en Europe entre 1963 et 1965. Las de Paris, où ils jouent en duo dans des cabarets latinos, ils rentrent avant elle au Chili pour ouvrir la Peña Parra à Santiago.

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