Elle voulait comprendre les ratés de l’école inclusive genevoise, elle se retrouve au poste de police. Sabrina Pisu, reporter italienne, est accusée de violation de domicile pour avoir accompagné une maman chercher son fils dans une école spécialisée. Le département d’Anne Emery-Torracinta a déposé une plainte pénale en 2022, laquelle a été classée… puis relancée par le DIP d’Anne Hiltpold. La journaliste parle de représailles, tandis que Reporters sans frontières se dit alarmé de ces atteintes à la liberté d’informer.

On peut difficilement ranger Sabrina Pisu dans la catégorie des «journalistes heureux», sujet de notre récente Exploration anniversaire. Vous allez comprendre pourquoi. Mais on peut affirmer sans hésiter que cette Italienne de 47 ans est une journaliste sérieuse, reconnue, lauréate de plusieurs prix, qui a pris à bras-le-corps les sujets les plus difficiles. Elle a travaillé durant des années en Italie sur des histoires de mafia et de corruption, allant jusqu’à signer trois livres autour de ces questions. Dont un avec le juge d’instruction ayant apporté les preuves qu’Enrico Mattei, le patron de l’ENI, avait bien été victime d’un assassinat en 1962 et non d’un accident d’avion.

Sabrina Pisu, donc, s’est installée il y a six ans à Genève où elle collabore avec plusieurs médias, notamment l’hebdomadaire italien L’Espresso et la RSI, la radiotélévision suisse italienne. Elle travaille plutôt sur des sujets internationaux: la défection d’un diplomate russe à Genève ou le combat des femmes iraniennes. Son dernier livre, qu’elle présente ces jours en Italie, est un témoignage exceptionnel de la photographe italienne Letizia Battaglia, célèbre pour son travail sur la Cosa Nostra durant les années 1980.

### «L’école de la misère» A Genève à l’automne 2022, Sabrina Pisu croise par hasard des parents d’origine italienne dont l’enfant, qui présente des troubles du spectre autistique, est scolarisé dans un établissement de l’Office médico-pédagogique (OMP), qui dépend du Département de l’instruction publique (DIP). Cette scolarité se passe mal. Un collègue lui présente une autre mère, Yolanda Fernandez, administratrice de 46 ans, qui lui parle de son fils, le jeune Aydan, 16 ans, lequel souffre de trisomie et surtout de l’établissement dans lequel il a été placé d’autorité, l’école de pédagogie spécialisée (ECPS) Dupuy, à Conches, à la sortie de Genève. C’est une des cinquante structures de l’OMP, qui a été fermée et renommée depuis. Mais on en est pas encore là et voici ce que lui dit cette mère: *«C'est l'école de la misère, qui est apparue du jour au lendemain l'année dernière. Ils* \[l’OMP\] *me l'ont imposée. C'est un établissement fermé pour des garçons de 15 à 18 ans atteints de syndromes graves (...) avec un projet pédagogique inexistant à ma connaissance. Ils y mettent tous les enfants dont ils ne savent pas quoi faire, sans tenir compte de leur agressivité. Certains ont des crises d'épilepsie, ils sont violents entre eux. C'est horrible, mon fils a été étranglé, il est rentré deux fois à la maison avec des lunettes cassées. (...) Il a été menacé par une élève en crise aiguë qui a empoigné un couteau, négligemment laissé à portée des enfants. A l'OMP, ils m'ont dit que si cela ne me plaisait pas, je n’avais qu’à changer de pays.»* Sabrina Pisu n’en revient pas. Comment Genève, ville prospère et capitale des droits humains, peut-elle négliger à ce point une population aussi fragile que les enfants ayant des besoins particuliers? Et comment le DIP d’Anne Emery-Torracinta, qui a fait de l’école inclusive la clé de voûte de ses deux mandats de conseillère d’Etat, peut-il laisser subsister des situations pareilles? Cependant, en journaliste expérimentée, Sabrina Pisu sait qu’il faut prendre avec prudence les témoignages, surtout sur des sujets aussi émotionnels. Elle se renseigne, appelle d’autres parents. Elle avait lu en début d’année 2022 [les révélations de ](https://www.heidi.news/tags/mancy)*[Heidi.news](https://www.heidi.news/tags/mancy)*[ sur les maltraitances graves](https://www.heidi.news/tags/mancy) au foyer de Mancy ainsi que nos articles sur [l’augmentation du nombre d’enfants](https://www.heidi.news/education/ecole-inclusive-a-geneve-155-eleves-relegues-en-liste-d-attente-pour-un-soutien-specialise) nécessitant une éducation spécialisée, à laquelle le DIP peine tant à faire face. Elle tombe aussi sur [un rapport d’avril 2022](https://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2fPPRiCAqhKb7yhsrBkvDLHrFFq8wSOe2z9g3iabN5qHj64PPrzY%2b8hK9VB6m7fXkXDzRB3Ibb4lb7at55wGckr6LBCI40G3H4ATgWHF9C%2fVY9lJLrm24JPtVsK) du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, qui pointe nombre de carences dans le dispositif suisse, genevois en particulier: *«Le Comité constate avec préoccupation que l’éducation ségrégative concerne un grand nombre d’enfants et que l’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée est appliqué de manière à orienter les enfants handicapés vers une éducation spécialisée.»* ### Premier contact Alors que fait Sabrina Pisu? Elle frappe à la porte du DIP pour demander à rencontrer la conseillère d’Etat ainsi que le directeur de l’ECPS Dupuy. Pour les journalistes, dans ce département de plus de 10’000 employés, il n’y a qu’une seule porte. Elle est solide, souvent fermée – les journalistes de *Heidi.news* en savent quelque chose – et s’appelle Pierre-Antoine Preti, chargé de la communication du DIP à l’époque des faits. Cet ancien journaliste, sept ans à la *Tribune de Genève* puis autant à la RTS, est toujours au DIP, mais il a depuis évolué vers des responsabilités moins importantes. Le contact est glacial. *«Au téléphone, j’ai tout de suite senti de l’hostilité face à mon projet d’article. J’ai eu l’impression que Monsieur Preti voulait piloter mon travail. Il insistait pour connaître l’angle et n’a répondu à aucune de mes questions sur l'enseignement spécialisé à Genève, notamment sur les critères suivis pour placer ces enfants dans des classes spécialisées. Il s’est contenté de me renvoyer au site internet du département.»* Tenace, Sabrina Pisu insiste pour obtenir un entretien avec Anne Emery-Torracinta, lequel est finalement fixé au 31 octobre 2022. Entre-temps, Yolanda Fernandez lui propose d’aller ensemble, le 20 octobre, chercher son fils à la sortie de l’école afin de pouvoir discuter tous les trois. La journaliste en informe Pierre-Antoine Preti par email et lui demande s’il est possible de profiter de sa présence sur place pour échanger avec le directeur de l’ECPS Dupuy, qui est en copie du mail. Pas de réponse. Elle insiste et finit par recevoir de ce responsable de la communication, par ailleurs secrétaire général adjoint du département, un email bien sec: *«Nous ne souhaitons pas de visite d'institution avant votre rencontre avec la magistrate, le 31 octobre prochain.»* ### Interview devant l’école Pas de visite, donc, mais Sabrina Pisu ne considère pas son rendez-vous avec Yolanda Fernandez devant l’école comme une «visite». Discuter avec une mère et son fils ne nécessite pas d’autorisation officielle. Du reste, pour éviter toute mauvaise surprise, la mère informe l’établissement qu’elle viendra chercher Aydan, *«accompagnée de journalistes qui prendront des photos»*. La veille, le service de l’iconographie de *L’Espresso* a en effet mis en commande un photographe italien basé en Suisse que Sabrina Pisu ne connaît pas et qui la rejoint sur place. Il a l’intention de faire le portrait du jeune Aydan – qui a donné son accord, tout comme sa mère – et de montrer l’établissement de l’extérieur. C’est là que tout va basculer dans une saga policière et judiciaire qui dure encore, près de deux ans plus tard. Ce 20 octobre 2022, selon les documents consultés par *Heidi.news*, la journaliste Sabrina Pisu, défendue par Me Raphaël Jakob, réalise l’interview de la mère du jeune Aydan, sur un banc, à une centaine de mètres de l’établissement. Le photographe, Giovanni Cipriano, défendu par Me Olivier Peter, prend quelques images avant de s’éloigner pour faire décoller un petit drone et prendre des vues l’école dans son décor arborisé. Selon les dépositions qu’il fera plus tard à la police, il est certifié comme pilote de drone par I'Agence européenne de sécurité de I'aviation et a vérifié sur le site de l'Office fédéral de I'aviation civile que la zone où se trouve l'école n'est pas interdite de survol. Quand sonne la fin des cours, tout s’emballe. La journaliste et la mère s’avancent dans la cour de l’établissement à la rencontre de l’enfant et à partir de là, les versions diffèrent. Commençons par celle de la journaliste. Voici ce qu’elle déclare à la police, trois mois plus tard: * Je n’ai croisé aucune autre personne, que ce soit d’autres élèves ou des éducateurs. (...) En venant devant l’école, tout était ouvert, nous n’avons franchi aucune barrière, ni portail. Rien ne laissait penser que nous n’étions plus sur l’espace public. De plus, personne n’est venu nous voir pour nous demander de nous éloigner ou de partir. Elle signale juste un enfant qui est sorti en courant avant d’être rapidement rattrapé par un éducateur. La mère du jeune Aydan est sur la même ligne: * \[La journaliste\] m’accompagnait pour rencontrer mon fils qui se réjouissait de lui raconter ses mésaventures scolaires. Je tiens à préciser que nous n'avons fait aucun mal, nous n’avons parlé à aucun enfant à part mon fils, avec mon autorisation, aucun enfant n’a été pris en photo. Aucun éducateur présent sur les lieux n’est venu nous demander de partir. ### Panique à bord Du côté des autorités cantonales, on prétend que la visite de la journaliste aurait semé un indescriptible chaos. La plainte déposée par l’OMP le 26 octobre pour violation de domicile et contravention à l’interdiction de survol de bâtiments publics affirme, en s’appuyant sur les témoignages de plusieurs membres du personnel: * La journaliste et le photographe auraient été vus en train de réaliser des prises de vue des enfants dans le préau de l’école aux alentours de 15h30. * Sabrina Pisu aurait été interpellée par une responsable pédagogique et aurait pris la défense du photographe. Elle aurait également pris des photos de l’équipe d’une autre école spécialisée, abritée dans les mêmes murs. * Tout cela aurait *«particulièrement perturbé les enfants»*, qu’il a été nécessaire de *«faire rentrer dans l’établissement»* pour protéger leur droit à l’image. Pierre-Antoine Preti, qui semble diriger les opérations de son bureau à la rue de l’Hôtel de Ville, a aussi sa version des faits. Le 26 octobre, il écrit à Sabrina Pisu que l’interview du lundi suivant avec la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta est annulé, en raison d’une *«rupture du rapport de confiance»*, et affirme: * Le survol non autorisé d’un drone à basse altitude, piloté par votre photographe, a provoqué des scènes de panique chez certains jeunes pris en charge, induisant de graves problèmes de gestion du groupe. ### Une version hystérisée des faits Mais d’où vient la panique? Selon les témoignages des éducatrices du foyer lors des audiences de l’instruction, il semble que ce soit aussi, voire surtout, les appels incessants d’un Pierre-Antoine Preti très agité qui ont été à l’origine des *«graves problèmes de gestion du groupe».* En effet, prévenu du survol de drone, le chargé de communication du département a donné de nombreuses instructions (rentrer vite les enfants, fermer les stores, etc.) qui *«ont limité la prise en charge»*, disent-elles. L’autre problème, pour les autorités, c’est que les témoins cités par la plainte vont contredire, une fois dans le bureau du procureur, les éléments évoqués par l’OMP et M. Preti à l’appui de leur version des faits. * Madame M. n’a pas du tout «observé \[un drone\] en train de survoler le préau de l’ECPS de Frênes (logé à la même adresse)», comme affirmé dans la plainte. Elle a au contraire affirmé en audience qu’elle n’a pas elle-même vu le drone. * Madame S. n’a pas vu «la journaliste et le photographe (...) en train de réaliser des prises de vue des enfants présents dans le préau de l’école». Elle rapporte avoir uniquement vu le photographe prendre des clichés: «Je n’ai jamais vu Mme Pisu réaliser des photos de qui que ce soit. Je n’ai pas indiqué à ma direction avoir vu Mme Pisu réaliser des photos de qui que ce soit». Enfin, la plainte du DIP confond la cour devant l’établissement, où la journaliste a accompagné Mme Fernandez, un espace ouvert où les parents viennent souvent accompagnés de tiers pour attendre leurs enfants, et le «préau» qui se trouve derrière le bâtiment, où les enfants prennent leur récréation. ### Les violences? Pas le sujet Durant les audiences, en revanche, une éducatrice au moins confirme que l’ECPS Dupuy est le théâtre de violences entre les enfants, dont se plaignait Yolanda Fernandez. * *«\[N\]ous avons l’habitude de faire des rapports car nous sommes un établissement où il y a beaucoup de violence»*, déclare au procureur Madame B. Un avocat des prévenus demande alors à Madame B. des détails sur ces violences, ce qui vaut cette note dans le PV: * *Le Procureur fait interdiction aux avocats de poser des questions sur les faits de violence dans l'établissement car cela ne fait pas l'objet de la présente procédure. Dont acte.* La plainte pénale de l’OMP, c’est-à-dire du DIP, conduit à un interrogatoire de la journaliste par la police en janvier 2023 et et du photographe un mois plus tard. L’instruction est menée tambour battant. Un procureur se rend sur les lieux et les témoins, ainsi que les prévenus, sont entendus par la justice en septembre 2023. ### Le DIP débouté Le 22 avril 2024, le Ministère public classe l’affaire, avec des conclusions très claires, et met les frais de procédure ainsi que l’indemnisation des prévenus à la charge de l’Etat. Voici ce qu’on lit dans ce document: * *Il convient de relever que le périmètre de I'ECS DUPUY est un lieu ouvert au public. Par ailleurs, tous les préaux d'école sont des lieux ouverts au public sur le territoire du Canton de Genève. En effet, les parents peuvent librement se rendre dans ceux-ci pour attendre leurs enfants. A cette occasion, ils peuvent être accompagnés de tiers.* *Dans le cas particulier de I'ECPS DUPUY, il existe bien une barrière à I'entrée du chemin, toutefois celle-ci est ouverte en permanence la journée (...). L'accès au parvis de l'école n'était donc pas physiquement limité.* * *(...) S'agissant du courrier électronique de Pierre-Antoine Preti, celui-ci indique ne pas vouloir de visite d'institution. (...) ll ne s'agit en aucun cas d'une interdiction formelle de se rendre dans le préau de l'école. De plus, la maman d'un élève de l'école a informé cette dernière, la veille des faits, qu'elle viendrait chercher son fils avec des journalistes et que ceux-ci prendraient des photos. ll ressort des pièces au dossier que la direction de l'école a bien été informée de ce fait. Or celle-ci n'a pas opposé un refus à la présence des journalistes.* \ Sur l’usage du drone, le Ministère public reconnaît que le photographe a effectué des recherches afin de savoir s'il avait le droit de faire voler un drone au-dessus de I'ECPS Dupuy, mais regrette qu’il ne se soit pas également renseigné auprès de la police genevoise. *«Dès lors, il pourrait être retenu la négligence à son encontre. Toutefois, I'infraction à I'article 11 du règlement d'exécution de la loi fédérale sur I'aviation étant passible d'une contravention, la négligence n'est pas réprimée. Dès lors, cette infraction sera également classée.»* ### Pendant ce temps, en Italie Un an avant ce classement, en mars 2023, l’article de Sabrina Pisu [est paru dans ](https://lespresso.it/c/attualita/2023/3/27/mio-figlio-confinato-in-una-scuola-ghetto-per-le-persone-con-disabilita/2849)*[L’Espresso](https://lespresso.it/c/attualita/2023/3/27/mio-figlio-confinato-in-una-scuola-ghetto-per-le-persone-con-disabilita/2849)* avec comme titre: «Mon fils est enfermé dans une école ghetto pour personnes handicapées». Il lui a valu un prix journalistique dédié aux questions d’inclusion, remis sous l’égide de Luigi Contu, directeur de l’agence nationale de presse italienne Ansa. Dans ce texte, la journaliste s’étonne que la plupart des foyers genevois soient situés à l’écart de la ville, comme si on voulait les soustraire au regard des autres. Elle cite une mère, Valérie, qui a retiré son fils atteint du syndrome de Down des écoles de l’OMP après avoir écrit une centaine de lettres aux autorités pour tenter d’obtenir qu’il soit mieux traité: * \[A Genève\], nous ne sommes reconnus que si nous sommes productifs, c'est pourquoi nos enfants ne sont pas scolarisés, ou si peu et si mal. Ils n'existent pas. Elle donne aussi la parole à Mme Fernandez: * Aydan ne sait toujours pas lire. J'ai demandé à rencontrer un conseiller pédagogique mais on ne m'a pas donné de nom. On m'a dit qu'il y avait des «ateliers protégés», où l'on apprend à mettre des bâtons dans un rouleau de papier toilette pour faire un calumet de la paix que l'on vend dans certains magasins. Je voudrais un travail équitable pour lui. ### Revenir par la fenêtre Tout aurait pu en rester là, au printemps 2024, avec une plainte classée par la justice et, surtout, un renouvellement complet des responsables des institutions concernées. L’OMP a changé de direction et la socialiste Anne Emery-Torracinta a quitté le Conseil d’Etat, remplacée en juin 2023 à la tête du DIP par la PLR Anne Hiltpold, qui peut difficilement se réclamer de l'héritage contesté de sa prédécesseure. Sauf que l’OMP – ou le DIP, impossible de savoir qui a pris la décision malgré nos questions au département –, ne l’entend pas de cette oreille. Le 6 mai 2024, le DIP, par l’entremise de l’OMP, dépose un recours contre le classement. Un juriste de l’OMP maintient sur 11 pages les accusations de violation de domicile et de survol illégal par drone, allant jusqu’à comparer l’action de Sabrina Pisu et du photographe au cas d’un Allemand ayant voulu, en 2016, tester la sécurité des aéroports de son pays en montant dans des avions avec un couteau papillon. L’argumentaire est sinueux: le recours affirme d’un côté que *«le DIP \[et\] I'OMP sont conscients de l'importance du rôle des journalistes dans une société démocratique»*, mais estime, plus loin, que comme Sabrina Pisu est journaliste, elle ne peut pas être considérée comme *«un tiers sans particularité qui accompagne un parent d'élève»*. Autrement dit, pour le juriste de l’OMP, une journaliste a moins de droits et de liberté de mouvements qu’un plombier ou une infirmière. ### Atteinte à la presse Pour Sabrina Pisu, cela ne fait pas de doute: *«La plainte contre moi et le recours contre le classement s’inscrivent dans la droite ligne de l’hostilité démontrée par le département face à mes investigations et constitue des représailles à l’encontre d’une journaliste n’ayant pas cédé aux pressions des autorités pour qu’elle abandonne son enquête sur un sujet dont l’intérêt public est manifeste.»* Pour Giovanni Cipriano, l’affaire a été très éprouvante. *«Etre dénoncé par une autorité et convoqué par la police et le Ministère public est une source de stress. Les effets ont été pour moi de mettre un doute sur mon travail et d'avoir peur de pouvoir le faire dans le futur. Je suis convaincu qu'il s'agit pour le DIP de nous empêcher de réaliser le reportage. Je vis cette procédure comme une action punitive.»* Quant à elle, la section suisse de Reporters sans frontières *«s'alarme des atteintes inacceptables à la liberté d'informer dont sont victimes les auteurs de cette enquête journalistique dont l'intérêt public paraît indiscutable»,* indique Denis Masmejan, son secrétaire général. *Le recours des autorités genevoises est d'autant plus difficile à comprendre que le classement prononcé par le Ministère public paraît conforme à la jurisprudence en matière de violation de domicile.»* Sollicités, le DIP et Pierre-Antoine Preti n'entendent pas commenter une procédure judiciaire en cours.