Avec près de 16% des bulletins, le parti d’extrême droite a réalisé au scrutin du 9 juin 2024 son meilleur score à des élections européennes, et ce malgré une campagne chaotique. Il confirme son enracinement dans les Länder de l’ex-Allemagne de l’Est que n’ont pas rassuré les milliards de la réunification.

Enquêtes et arrestations pour espionnage, pour corruption ou pour des penchants néo-nazis… Une telle série de scandales aurait mis à terre n’importe quel autre parti politique. Alternative pour l’Allemagne (AfD), lui, a terminé dimanche soir 9 juin sa pire campagne électorale par son meilleur score en seulement une décennie d’existence et trois participations à des élections européennes.

La deuxième force du pays

Crédité à plus de 20% en fin d’année dernière, le parti d’extrême droite y a tout de même laissé quelques plumes, en obtenant 15,9% des scrutins. Mais à une élection nationale, il se hisse pour la première fois en position d’être la deuxième force politique du pays, remportant six sièges supplémentaires pour arriver à 15 eurodéputés, derrière les démocrates-chrétiens CDU/CSU (30%), stables et habitués à remporter ce scrutin. L’Union conservatrice n’a profité ni du chaos autour de l’AfD, ni de la sanction infligée par les électeurs à la coalition tricolore au pouvoir. Les perdants sont les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz (13,9%) et surtout Die Grüne (11,9%), qui perdent respectivement 2 et 9 sièges, tandis que les libéraux du FDP (5,2%) enregistrent un léger recul sans conséquence. Depuis dimanche soir, le Berlin politique vacille devant cette situation inédite, un peu plus d’un an avant les élections fédérales. ### Le rideau de fer toujours debout L’autre enseignement de ce scrutin relève davantage de la confirmation. Fondé dans la banlieue de Francfort par des ex-CDU de l’Ouest, Alternative pour l’Allemagne est un parti de plus en plus est-allemand. La carte électorale de ce scrutin parle d’elle-même et fait apparaître très nettement les deux Allemagne de 1949. La couleur noire de la CDU dans quasi toutes les circonscriptions à l’Ouest, la couleur bleue de l’AfD à l’Est. Comprenez, là où ces partis arrivent en tête. Sur 16 Länder, l’AfD s’enracine et convainc dans les cinq Länder de l’ex-RDA, avec par endroit plus de 40% des voix. Les centaines de milliards d’euros dépensés depuis la réunification il y a bientôt 34 ans ont permis de résorber une partie des inégalités mais paradoxalement ont accentué le sentiment de différence. Depuis la découverte douloureuse du capitalisme en passant par les réformes du marché du travail jusqu’à un État allemand qui aujourd’hui redécouvre la dette, il y a un plus grand besoin de protection sociale à l’Est et sur ce point, avec son programme patriote, l’AfD se montre convaincant. C’est flagrant chez les ouvriers, dont le tiers vote AfD, contre seulement 1 sur 10 aux européennes de 2014, rapporte l’institut Infratest dimap pour la chaîne publique ARD. ### Un autre signal qui ne trompe pas Autre changement de taille au cours de cette décennie, les électeurs votent désormais AfD par conviction à 51% (+14 points), et cela même alors que le parti affiche des positions radicales qui lui valent d’être exclu par ses camarades des groupes d'extrême droite au Parlement européen. De fait, ce scrutin laisse encore moins de place au doute quant au résultat des élections régionales en septembre, dans trois de ces anciens Länder de l’Est (Brandebourg, Saxe et Thuringe).