Le fameux «Wir schaffen das» d’Angela Merkel a été un virage pour l’AfD. Entre 2015 et 2017, de parti anti-euro, il devient anti-islam et xénophobe. Deux putsch successifs font émerger la figure de Frauke Petry, puis celle, plus inquiétante, de Björn Höcke, condamné à plusieurs reprises pour ses discours inspirés du nazisme.

Ce 31 août 2015 est convoquée une grande conférence de presse au Bundestag. L’Allemagne entière est suspendue aux lèvres de sa chancelière. «Wir schaffen das! L’Allemagne est un pays fort. Nous avons beaucoup accompli. Nous y arriverons!», lance Angela Merkel. Pas de grand discours, mais cette simple formule, qui deviendra vite le symbole de la Willkomenskultur (culture de l’accueil) allemande. Les migrants syriens et irakiens qui arrivent en masse dans les gares de Munich et Berlin ne seront pas rejetés aux frontières. Ainsi, Angela Merkel fait de l’Allemagne le pays européen le plus généreux en matière d’asile. Plus d’un million d’entrées sur le territoire en 2015. C’est deux fois plus qu’en 2014, et de loin le record européen.

Le moulin Pegida

Mais c’est aussi le moment où s’installe peu à peu, sur le Vieux continent, un sentiment d’islamophobie. Notamment en Allemagne, par le biais du mouvement Pegida dès fin 2014. Chaque lundi, comme les protestations en RDA en 1989, les «Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes» (patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident) manifestent dans les rues du pays. «Wir sind das Volk» (nous sommes le peuple), scandent les participants. Les attentats de Paris mettent de l’eau à son moulin: le 12 janvier 2015, lors de la première manifestation post-attentat de Charlie Hebdo, la police de Saxe enregistre 25’000 manifestants dans les rues de Dresde. Du jamais-vu.

Au lendemain des attentats de Paris, l’homme fort de l’AfD, l’économiste Bernd Lucke, a pris la parole en s’opposant à une critique généralisée de l’islam. Dans les colonnes de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, il insiste: «le motif de fondation (du parti, c’est-à-dire la critique de l’euro, ndlr.) sera toujours d’une importance particulière pour l’AfD, au même titre que l’est la protection de l’environnement pour les Verts». L’avertissement ne sort pas de nulle part, le vent est effectivement en train de tourner dans les rangs de son parti.

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