Résistant au régime ultra-violent du président Duterte, aux Philippines, le média en ligne Rappler a connu un destin mondial. Maria Ressa, co-lauréate du prix Nobel de la Paix et fondatrice du média, a inventé un modèle économique singulier, appuyé par des investisseurs internationaux comme le Omidyar Network. Histoire d’une start-up en lutte qui a secoué la planète. 

Il y a toujours un caillou dans la chaussure des satrapes. Souvent, ces derniers s’en débarrassent discrètement. Parfois, c’est le caillou qui gagne. Qu’on lui donne une marche, une tribune, et le gravillon devient rocher. Cette métamorphose, le média d’investigation philippin Rappler l’a vécu. Sa fondatrice, Maria Ressa, a incarné la reconnaissance du travail utile des médias, en devenant co-lauréate en 2021 du prix Nobel de la Paix. Mais ce n’est pas le Nobel qui vaut à Rappler son succès, c’est le contraire. Si le média a résisté efficacement contre les dérives ubuesques du président philippin, c’est qu’il y était préparé dès sa conception.

Le monde s’est beaucoup intéressé aux affres judiciaires de Maria Ressa, stigmates de sa lutte contre le régime du dictateur philippin Duterte. Mais on s’est moins penché sur son cheval de bataille, un pur-sang médiatique à la fois classique sur les principes et très innovant. Là-dessus, une bonne dose de courage en a fait un héraut en résistance d’envergure mondiale.

La crainte de l’assassinat

Créé en 2012, comment a-t-il pu, en quelques années, draguer chaque mois plus de 10 millions de visiteurs, au point de talonner The Daily Inquirer, une institution aux Philippines, présente sur les sept plateformes de son groupe? Pour comprendre le «Rappler Project» et son business model, rien n’eut valu un reportage sur place, comme Heidi.news me l’a proposé. Mais voilà, sans doute victime de son succès, Rappler est désormais peu disponible.

J’avais rencontré Maria Ressa en juin 2019 à Genève. La dame de Manille alternait alors les procès et la case prison, persécutée par de faux-nez judiciaires et la crainte, bien réelle, d’être assassinée au bas de chez elle. Dans le regard, une détermination farouche, éclairée par le rare mais lumineux sourire de celle qui sait pour quoi elle se bat.

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