Ala* fait partie des Brigades de la résistance libanaise, une milice affiliée au Hezbollah qui se bat contre Israël au Sud-Liban. De retour du front, il a accordé deux heures à Heidi.news pour relater son parcours, bravant l’interdiction faite aux combattants de s’exprimer publiquement. Un témoignage rare.

Certains détails secondaires ont été modifiés pour protéger l’anonymat de la source.

A peine la demande d’entretien acceptée qu’Ala (prénom modifié) disparaît. Pendant cinq jours, il n’a plus donné signe de vie, téléphone éteint. C’est seulement à son retour de mission que nous avons pu le rencontrer chez lui, dans les alentours de Tyr, au sud du Liban.

L’homme nous attend sous un figuier, assis sur une vieille chaise en plastique délavé, en fumant son narguilé. D’emblée, il pose un regard méfiant sur les deux iPhones posés devant lui. «Les Israéliens nous espionnent 24 heures sur 24, attaque-t-il. Ils peuvent nous entendre, nous localiser à travers nos téléphones. Même le wifi de la maison, ils savent le pirater.» Le ton est posé.

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 8 octobre 2023, plusieurs hauts gradés du Hezbollah ont été tués par des frappes israéliennes ciblées. Hassan Nasrallah, le secrétaire général et guide religieux du parti-milice chiite, avait alerté ses membres fin février: «Le smartphone est un appareil d’espionnage!» Ali Debes, Wissam Tawil… Tout en faisant défiler leurs photos, Ala énumère les noms de ses amis, combattants du Hezbollah, tués ces derniers mois. «On passait nos soirées ensemble à fumer, à discuter et… il y a eu beaucoup de martyrs, ici à Tyr.» Pour autant, sa détermination à combattre reste intacte. «C’est notre seule solution. On doit défendre nos terres.»

Ici, le spectre de l’occupation israélienne au Liban, qui a duré de 1982 à 2000, est présent dans toutes les têtes. «Ma famille a été personnellement humiliée par les Israéliens. Cela a défini qui je suis», constate cet homme d’une cinquantaine d’années qui assure tenir un «certain rôle dans la résistance». Ala fait partie des Brigades de la résistance libanaise, une milice multiconfessionnelle financée, entraînée et armée par le Hezbollah, qui l’a fondée en 1997 pour combattre Israël. De sa position ou de ses activités en son sein, il ne dira rien, ou si peu: «Chaque personne a son rôle dans la résistance. Il y en a qui combattent au front, d’autres qui s’occupent de la logistique. D’autres encore, des renseignements…»

Une affaire de famille

Son envie d’en découdre avec Israël remonte à sa jeunesse. Alors qu’il est adolescent, le père d’Ala est incarcéré au centre de détention d'Ansar, créé en 1982 par l’armée israélienne qui occupe alors la moitié sud du Liban. Jusqu’à 15'000 détenus s’y sont entassés. Encore aujourd’hui, les habitants de la région évoquent les arrestations arbitraires ou sur dénonciation, et les conditions de vie plus que précaires des malheureux prisonniers. «Au bout de trois ans, l’occupant m’a autorisé à rendre visite à mon père, reprend Ala. Quand ils me l’ont montré, je leur ai dit qu’ils se trompaient. Je ne l’ai reconnu qu’à sa voix, tellement il était défiguré par la torture… Je n'oublierai jamais cette image.» Il marque une pause. «Personne n’a jamais été aussi violent que les Israéliens.»

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