Capitale mondiale de la fête, Beyrouth n'attire plus les noctambules du Golfe, de l'Occident et de la diaspora libanaise. Mais les locaux entretiennent avec obstination la flamme de la fête «à la libanaise», face aux spectres conjugués de la crise économique et du retour de la guerre dans la région. Danser au bord d’un volcan, c’est toujours danser.

La nuit vient de tomber sur Gemmayzé, près du port de Beyrouth. De grosses voitures aux phares saillants éclairent les rues du quartier le plus branché de la capitale libanaise. Talons aiguilles et maquillage exubérant pour les femmes, lunettes de soleil et chemises ouvertes pour les hommes, la crise ne semble pas avoir touché toute la population libanaise. Dans cette rue bondée qui se résume à une enfilade de bars et de clubs, les rois et reines de la nuit sont venus flamber leurs billets verts.

Amir, 32 ans, ne semble pas de ceux-là. Accoudé au bar d’une boîte hip-hop ouverte sur la rue, il déguste un cocktail, dos aux danseurs. «Amir signifie prince en arabe, clame-t-il par-dessus la musique. Mais je suis un prince pauvre.» Originaire du Chouf, une région montagneuse située au sud de Beyrouth, le jeune homme a fait une heure et demie de route pour oublier le temps d’une nuit les problèmes de son pays. Pour l’occasion, il s’est même loué une chambre à quelques pas du quartier de la fête. «Il vaut mieux sortir danser que pleurer devant la télévision», philosophe cet ingénieur en informatique, qui rêve d'étudier la psychologie en Allemagne.

Les nuits blanches à la libanaise

Dans cette ville que l'on dit «détruite et reconstruite sept fois», la fête a toujours mêlé la souffrance et l'espoir. Des premiers cabarets des années 1920 à l'émergence du quartier cosmopolite de Hamra dans les années 1960, Beyrouth traîne une réputation sulfureuse. «A la veille de la guerre civile, la capitale libanaise comptait plusieurs centaines de bars, boîtes de nuit et cabarets, dont certains noms sont restés dans la mémoire collective», écrit la géographe Marie Bonte, dans son ouvrage de thèse Nuits de Beyrouth (ENS Editions, 2024). Après la guerre civile, l'Etat a massivement développé le tourisme et transformé Beyrouth en un haut lieu de la fête apprécié par une clientèle venue des pays du Golfe.

Même si la crise économique a atteint DJ Moe Gravity, son business continue de tourner. Pour lui, même en temps de guerre, les Libanais voudront festoyer. | Itzel Marie Diaz

«Ils adorent notre façon de festoyer!», lance DJ Moe Gravity, qui tient un magasin de matériel sonore à Beyrouth. L'artiste, dans le métier depuis 20 ans, est à la fois fataliste et serein. «En 2006, pendant la guerre, les fêtes ont continué dans les quartiers chrétiens. Nous, les Libanais, avons survécu à tout.»

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