Emilie (prénom modifié), la vieille dame genevoise au cœur de nos deux premiers épisodes, est décédée le 19 janvier 2024, à l'âge de 96 ans. Ses obsèques ont été expédiées en un quart d'heure, sans même la présence de son avocat curateur. En guise de point final à cette enquête, nous relatons ce moment.

Une cérémonie expédiée en quinze minutes et une tombe creusée dans un cimetière désert, malgré le grand ciel bleu. Emilie (prénom modifié), cette Genevoise de 96 ans dont Heidi.news a fait le portrait dans les deux premiers épisodes de notre Exploration «A Genève, de la curatelle au cauchemar», s’en est allée, vendredi 19 janvier 2024, comme elle a vécu les dix dernières années de son existence sous curatelle: dans un vide affectif réfrigérant.

Lire l’épisode: Qui se souvient d’Emilie?

Souvenez-vous: c’est elle qui, placée sous curatelle contre son gré dans une commune genevoise, s’est fait imposer un curateur insensible et des gouvernantes menant grand train dans la maison où elle-même était maintenue isolée. ### A la sauvette Certes, sur le plan des formalités, l’essentiel a été fait. Un avis signalant le décès de la vieille dame, quelques jours plus tôt, est paru dans la *Tribune de Genève*. Un coussin de roses blanches et rouges avait été commandé pour ses obsèques. Mais pour ce qui est de la chaleur humaine, il n’y a pas eu de service minimum. ![Fleur sur tombe.jpeg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/dff8e9b2-5fc3-4835-8999-5f6b7c51dc70/large "Une fleur unique dans la dernière demeure d'Emilie.") Personne, ni son curateur depuis 2012, un avocat de la place que nous avons nommé Me Luc Elaret, ni les gouvernantes recrutées par ce dernier et qui ont régenté la vie d’Emilie pendant plus d’une décennie, ne s’était donné la peine de confier quelques fragments sur sa vie ou sa personnalité à l’officiant de la chapelle de la Cluse pour lui permettre de préparer la cérémonie. Le pauvre homme ne savait même pas si la vieille dame était croyante, et encore moins son éventuelle obédience. Seule Gisèle *(prénom modifié)*, avertie à la dernière minute par une connaissance ayant vu le faire-part dans le journal, a pu souffler à l’homme d’Église que la défunte était issue d’une famille de maraîchers alémaniques et qu’elle avait été élevée dans la religion protestante. ### Deux croix en bois et une fleur Cette ancienne gouvernante, qui avait officié au domicile d’Emilie et de son mari Max *(prénom modifié)* en 2012, est sans doute la dernière personne à avoir noué un lien amical avec le couple. Abruptement licenciée quand le curateur Me Elaret a été désigné, Gisèle n’a pas été autorisée à revoir Emilie avant que celle-ci ne repose en son cercueil. Les deux gouvernantes engagées par le curateur sont arrivées à la chapelle au dernier moment, avec le mari de l’ainée d’entre elles, dont la familiarité excessive inspirait une forte antipathie à Emilie. Le trio s’est éclipsé aussitôt prononcées par l’officiant les quelques paroles insipides de circonstances, agrémentées par un morceau de musique classique. Si bien que seule Gisèle a assisté à la mise en terre d’Emilie. Au cimetière, cette dernière repose désormais au côté de son mari. Ni stèle, ni pierre tombale. Deux croix chétives en bois fichées dans la terre signalent au passage que l’un et l’autre ont un jour été de ce monde. ### Place aux bulldozers A 3 kilomètres de là, la jolie maison d’Emilie et de Max est désormais vide. Les gouvernantes qui y avaient pris leurs aises vont devoir occuper différemment leur existence. Le 17 décembre 2020, la propriété a été vendue à prix modique par le curateur à un consultant immobilier ayant travaillé 25 ans en Suisse, aux États-Unis, en Allemagne, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni, en République populaire de Chine, aux Émirats arabes unis et au Qatar. Pour cette affaire, il est associé à une fameuse entreprise genevoise de construction. Les bulldozers ne devraient plus tarder. ![Terre sur tombe.jpeg](https://heidi-17455.kxcdn.com/photos/ec2138e5-8867-4a03-aa7c-a703d11ca2c4/large)