Les franchises «Assassin's Creed», «Far Cry» et «Rainbow Six» seront regroupées au sein d'une nouvelle filiale déjà valorisée à plus de 4 milliards d'euros. L'entreprise chinoise a investi un peu plus de 1 milliard d'euros dans cette nouvelle entité

La rumeur se faisait insistante depuis plusieurs mois. C'est désormais officiel. Le géant français du jeu vidéo Ubisoft et son principal actionnaire, le chinois Tencent, vont réunir les principales licences à succès de l'éditeur au sein d'une filiale. L'entreprise chinoise a injecté un peu plus de 1,1 milliard d'euros dans cette nouvelle entité dans laquelle elle détient environ 25% des parts. Une filiale valorisée désormais à plus de 4 milliards d'euros (3,8 milliards de francs), soit près du double de la capitalisation actuelle d'Ubisoft, chahutée en bourse depuis plusieurs mois.

Lire aussi: Avec «Assassin’s Creed Shadows», Ubisoft s’offre un peu de répit mais son avenir demeure incertain

Cette nouvelle entité aura la mainmise sur les franchises Assassin's Creed, Far Cry et Rainbow Six, ainsi que sur les équipes en charge de leur développement. Cela inclura également les jeux déjà commercialisés - le back catalogue -, ceux actuellement en cours de développement et tout nouveau titre qui sera développé. A ce stade, ce qu'il adviendra des licences qui seront conservées par la principale structure d'Ubisoft, parmi lesquelles Rayman, Trackmania, Just Dance, Les Lapins crétins ou encore Watch Dogs reste un mystère.

Un soulagement

«C'est un énorme ouf de soulagement pour Ubisoft», a affirmé Charles-Louis Planade, analyste à Midcap Partners, alors que l'entreprise a connu une année 2024 difficile, émaillée de lancements de jeux décevants et d'une dégringolade boursière. «Ça donne un signal fort sur la sous-valorisation du groupe» sur les marchés, a souligné cet expert. Vers 13h30 vendredi à la Bourse de Paris, l'action d'Ubisoft prenait 8,90%, à 14,07 euros.

Pour résumer.

Oscar Lemaire (@oscarlemaire.bsky.social) 2025-03-27T18:32:16.314Z

La création de cette filiale est une «nouvelle rassurante, dans la mesure où elle aura l'avantage de réduire l'endettement du groupe, qui est problématique depuis un bout de temps», a expliqué Lucas Excoffier, courtier chez Oddo BHF. La dette d'Ubisoft atteignait 1,4 milliard d'euros fin septembre 2024. Une partie de celle-ci arrivera à échéance en 2027. «Il est un peu tôt pour dire qu'Ubisoft sort définitivement de l'ornière mais c'est rassurant, d'autant que les premiers chiffres du dernier Assassin's Creed ont aussi été bien accueillis», a estimé Lucas Excoffier.

Succès d'«Assassin's Creed Shadows»

Après plusieurs lancements en demi-teinte, le géant français des jeux vidéo a en effet retrouvé le chemin du succès avec Assassin's Creed Shadows, dernier épisode en date de sa saga phare, qui a rassemblé plus de 3 millions de joueurs depuis sa sortie le 20 mars. Comme à son habitude, Ubisoft n'a toutefois pas précisé le volume exact de ventes. Certains joueurs peuvent en effet accéder au jeu via le service d'abonnement de la plateforme du géant français Ubisoft Connect.

Cela devrait assurer au groupe une solide rentrée d'argent jusqu'à la fin de l'année, période à laquelle la création de la filiale - dont la dénomination n'est pas encore connue - devrait être finalisée. Cette nouvelle entité permettra aussi à Tencent, avec qui les frères Guillemot, fondateurs d'Ubisoft, ont scellé une union en 2022, d'affirmer encore un peu plus sa position au sein de l'entreprise française.

Lire aussi: Héros du nouvel «Assassin’s Creed» au cœur d’une polémique, qui était vraiment Yasuke?

Le géant chinois de la tech détient déjà près de 10% du capital d'Ubisoft - seuil qu'il n'a pas le droit de franchir avant 2030, selon un accord - et 49,9% de la holding familiale Guillemot Brothers. La famille Guillemot, elle, possède autour de 15% du groupe. La mise sur pied de cette filiale conclut le processus enclenché en janvier par Ubisoft, qui souhaitait étudier diverses options pour son avenir, sur fond de rumeurs de rachat. Le groupe a assuré jeudi avoir reçu plusieurs offres avant de se porter sur cette solution.

«Cure d'amaigrissement»

Cette filiale lui permettra «de garder le contrôle de ses actifs clés, en vue de créer de très grosses marques multimilliardaires dans les prochaines années», a déclaré le directeur financier d'Ubisoft, Frédérick Duguet. Basée en France et consolidée dans les comptes d'Ubisoft, cette nouvelle structure aura sous sa responsabilité les équipes travaillant sur les trois principales sagas de l'éditeur, notamment dans les studios canadiens de Montréal qui comptent parmi les plus importants de l'entreprise.

Davantage de détails sur le fonctionnement du groupe seront annoncés dans un second temps, a indiqué Ubisoft. «On peut imaginer une cure d'amaigrissement» au sein des autres studios de l'éditeur, a jugé Charles-Louis Planade, et de «potentielles cessions», car «Ubisoft a clairement montré qu'il veut se concentrer sur ces trois grosses franchises».

Le groupe compte près de 18 000 salariés dans le monde, dont environ 4000 en France. Il a entamé début 2023 un plan de réduction des coûts qui a déjà entraîné des fermetures de studios à l'étranger et le départ de près de 2000 salariés. Jusqu'ici, le groupe français s'était toujours refusé à fermer des studios, alors qu'il en détenait 45 en 2018. La création de cette nouvelle filiale devrait assurer du répit pour les frères Guillemot, qui restent une fois de plus à la tête de l'entreprise qu'ils ont fondée. Pour les employés dont les studios ne sont pas concernés par ce regroupement, c'est une nouvelle ère d'incertitude qui s'ouvre.

Lire aussi: Ubisoft chancelle: tout ce qu’il faut savoir sur la débâcle du géant français du jeu vidéo