La famille vitivinicole inaugure son son éco-chai, implanté historiquement dans la commune vaudoise de Rolle. Des infrastructures aussi novatrices que durables, qui reflètent le repositionnement opéré par le groupe. Présentation
Implanté historiquement à Rolle depuis 132 ans, Schenk représente une véritable institution économique dans la région. A la suite du développement de son activité, le site de production s’est agrandi par itérations au fil des ans. Une croissance remise en question durant ces dernières années par la famille afin de continuer à pratiquer son activité en adéquation avec ses valeurs. Vins biologiques, production durable ou encore infrastructures énergétiques des plus efficientes constituent autant d’éléments reflétant ce repositionnement. André Fuchs, directeur général, et François Schenk, représentant de la quatrième génération familiale depuis la création de l’entreprise, exposent les motifs de ces changements et évoquent les perspectives d’avenir d’un secteur en pleine mutation.
André Fuchs: En effet, durant ces dernières années, nous nous sommes réorientés dans notre activité pour affiner notre positionnement au sein d’un marché qui, lui aussi, a beaucoup changé. Globalement, notre philosophie pourrait se résumer en une phrase: produire moins, en nous adaptant aux nouvelles attentes des consommateurs en termes de durabilité et de goût. Le nouveau site de production que nous inaugurons, toujours implanté sur notre parcelle historique de Rolle, incarne cet esprit puisque nous l’avons redimensionné au cours de l’évolution du projet. Notre vision s’est finalement recentrée sur un ouvrage mieux adapté à notre ambition. Notre site historique comptait huit bâtiments, construits au fil du temps en suivant la croissance de notre activité. Le nouveau site regroupe désormais cinq bâtiments connectés entre eux pour optimiser le fonctionnement de la production.
Notre philosophie: produire moins, en nous adaptant aux nouvelles attentes des consommateurs en termes de durabilité et de goût.
André Fuchs: Concernant l’aspect énergétique, les nouveaux bâtiments ont en effet été bâtis dans une approche d’efficience des plus poussées. Au total, 1400 panneaux photovoltaïques ont été installés, nous permettant de nous passer du gaz et du mazout. Une approche que l’on retrouve par ailleurs dans le choix des matériaux utilisés puisque le nouveau complexe est en grande partie construit en bois local, avec 2700 m³ d’épicéa issus des exploitations forestières vaudoises. Pour les parties en béton, dont les dalles, nous avons opté pour l’utilisation complémentaire de terre crue provenant du site à 25%. On peut encore mentionner les 16 cm de liège qui recouvrent les façades. Une couche d’isolant naturel qui fait bien sûr écho à notre activité.
François Schenk: Cette approche durable se transpose, en outre, dans les infrastructures de production. Dans cette optique, nous avons pris l’initiative de tirer parti de la pente présente sur notre terrain pour travailler de manière gravitaire. Un processus qui nous permet de nous passer des pompes pour utiliser uniquement la gravité naturelle durant toutes les étapes de production du vin. Une méthode douce qui permet de bénéficier de deux avantages. Energétique d’une part, en nous passant des pompes. Qualitatif d’autre part, puisque ce procédé permet de réduire l’oxydation et le stress subis par le vin pendant le remplissage, préservant ainsi ses qualités.
François Schenk: Tout à fait. La culture biologique est un choix que nous avons fait il y a plusieurs années déjà. Au total, sur l’ensemble de nos vignobles répartis entre la Suisse, la France, l’Italie et l’Espagne, 75% de nos cultures sont déjà certifiées. Les 25% restants sont encore en phase de conversion et seront certifiés d’ici à 2030 au plus tard.
André Fuchs: Pas vraiment. Si on peut tout de même observer une demande croissante dans ce sens depuis un peu plus de vingt ans, on constate en même temps que ce segment reste relativement minoritaire au sein du marché.
François Schenk: Ce changement pour le bio est en effet dicté avant tout par notre propre philosophie. Cela faisait plusieurs années que l’on y songeait. C’est un positionnement que nous assumons pleinement et qui nous tient à cœur.
François Schenk: Le premier défi consiste à pouvoir réhabituer nos vignobles à fonctionner sans les engrais chimiques et autres pesticides. Pour faire une comparaison avec notre organisme, c’est un peu comme si on devait retirer une perfusion d’antibiotique pour réapprendre à fonctionner naturellement. C’est un long processus, qui peut prendre jusqu’à sept à huit ans. Une période délicate, durant laquelle la vigne peut produire moins et être plus vulnérable aux maladies et aux champignons. Dans notre pratique, ce changement implique une remise en questions constante quant aux traitements et aux techniques naturels à favoriser. Dans notre secteur d’activité, relativement ancien et figé, c’est un important changement de paradigme qui nécessite de se former pour acquérir de nouveaux savoir-faire.
André Fuchs: Et logiquement, le défi est également d’ordre économique puisque ce basculement nécessite un certain investissement. Il faut aussi être prêt à assumer la diminution temporaire de rendement des vignobles durant leur période d’adaptation. En termes de travail de la vigne, il faut aussi savoir que les interventions à effectuer sur le terrain sont plus nombreuses puisque les traitements naturels sont soumis aux aléas météorologiques. En cas de pluie par exemple, les substances naturelles sont lavées. Et il faut recommencer. Il peut aussi s’avérer nécessaire d’investir dans le but de remplacer son parc de machines, notamment dans l’optique de privilégier l’utilisation d’engins plus légers pour ne pas nuire au sol des vignes.
François Schenk: Le dérèglement climatique implique une certaine incertitude quant aux futures conditions météorologiques avec lesquelles il faut savoir composer. Avant de parler de dérèglement, la tendance consistait à favoriser les cépages plus résistants aux fortes températures et aux périodes de sécheresse puisque l’on parlait alors davantage de réchauffement. Une donne qui a quelque peu changé durant ces dernières années, d’où la notion de dérèglement. Il s’agit dans tous les cas d’une contrainte avec laquelle il faut parvenir à avancer.
André Fuchs: Nous visons notamment à développer nos marques dans l’optique de répondre à l’évolution des goûts et de l’interêt croissant pour des vins plus subtils. Si les vins plus forts, et dont la teneur en alcool était plus élevée, séduisaient un large public il y a quelques années, il nous faut désormais innover davantage pour suivre la tendance de l’engouement pour des produits plus spécifiques comme par exemple avec Piacere rouge ICE, une nouveauté lancée lors de l’inauguration du site. Ce qui ne veut pas dire que nous devons abandonner nos vins emblématiques des terroirs dans lesquels nous sommes actifs, de Rolle à Sion en passant par le Lavaux et le Chablais, comme Murailles, vin numéro un de Suisse, mais que nous devons continuer à innover pour étoffer notre gamme et renforcer l’identité de nos marques auxquelles nos clients sont attachés. Ce qui se reflète par ailleurs dans la revitalisation de l’ensemble de nos sites de production, outre la rénovation de Rolle, que nous menons actuellement en les rapprochant des vignobles concernés. Avec un portefeuille d’environ 40 propriétés réparties à travers l’Europe, nous détenons des marques et domaines emblématiques tels que Murailles à Aigle, le Château de Châtagneréaz à Mont-sur-Rolle, le Domaine du Martheray à Féchy, le Domaine de la Cure d’Attalens à Chardonne, le Domaine du Mont d’Or à Sion (plus ancien domaine viticole du Valais), ainsi que le Château Maison Blanche et le Domaine du Clos du Rocher à Yvorne. Par ailleurs, nous entretenons une collaboration étroite avec plus de 500 vignerons indépendants dans les cantons de Genève, Vaud et du Valais, assurant ainsi une production locale authentique et de haute qualité. Cette démarche met en valeur l’expertise et le savoir-faire des domaines tout en respectant les particularités de chaque région viticole.