L’énorme faille sécuritaire qu’a révélée un journaliste de «The Atlantic» est à l’aune d’un gouvernement américain formé de loyalistes inaptes à des fonctions très exposées. Le déni de la Maison-Blanche confirme que l’Amérique est entrée dans une ère de post-vérité
A Moscou et à Pékin, le «Signalgate» doit faire sourire. Premier grand scandale de la seconde présidence Trump, il démontre jusqu’à la caricature l’amateurisme et l’incompétence du gouvernement de la première puissance mondiale.
Le fait que personne n’ait rien trouvé à redire à propos de la discussion très sensible tenue le 15 mars par dix-huit hauts responsables de l’administration américaine sur le réseau de messagerie chiffré Signal est choquant. Ces derniers ne débattaient-ils pas d’un plan ultra-confidentiel d’attaques imminentes contre des Houthis au Yémen? Cette grave faille sécuritaire est pourtant le prix à payer pour les choix de Donald Trump. Ce dernier a délibérément nommé des ministres pour leur loyauté à toute épreuve et non pour leur aptitude pour le poste. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth – que nombre d’anciens chefs du Pentagone jugeaient totalement inapte et que les démocrates poussent à démissionner –, a montré son inadéquation avec un poste aussi exposé.
L’épisode, révélé par le rédacteur en chef du magazine The Atlantic, invité par erreur dans le groupe de discussion sur Signal, est grave. Les spécialistes de la question sont unanimes: des échanges de cette nature doivent avoir lieu dans la Situation Room de la Maison-Blanche ou sur un réseau de visioconférence ultra-sécurisé.
Cette sérieuse violation des protocoles aurait pu exposer l’opération militaire au piratage de puissances rivales et à la mise en danger des GI’s sur le terrain. Elle laisse aussi pantois les alliés de l’Amérique, qui vont désormais réfléchir à deux fois avant de partager des renseignements sensibles.
Confrontée à une telle faille sécuritaire, l’administration Trump riposte avec l’arme dont elle a le secret: le déni. Il n’est ainsi plus possible d’appréhender la réalité telle qu’elle est. Les méthodes du 47e président des Etats-Unis s’inscrivent parfaitement dans cette ère de post-vérité. Quant au journaliste qui a révélé le scandale, il est sali publiquement par l’administration républicaine.
Sous la présidence Trump, les médias traditionnels sont devenus l’ennemi du peuple. Ils ne sont plus les bienvenus à la Maison-Blanche. Le débat citoyen outre-Atlantique est menacé. L’occupant du Bureau ovale souhaite supprimer le financement fédéral à deux médias publics dont le travail demeure remarquable: la National Public Radio (NPR) et la chaîne de télévision Public Broadcasting Service (PBS). La démocratie ne meurt pas dans l’obscurité, pour reprendre un slogan du Washington Post. Elle pourrait périr au vu et au su de tous.