Un policier fait plier l’Etat sur la généralisation des 30 km/h à Genève. A la suite de son recours, le Tribunal administratif de première instance annule la précédente décision, estimant que l’abaissement global de la vitesse n’est pas proportionné

La justice ne permet pas au canton de Genève de généraliser les 30 km/h sur les routes. Dans un arrêt rendu mercredi, le Tribunal administratif de première instance (TAPI) annule l’arrêté d’octobre 2022 tel que reconsidéré en décembre 2023.

«Le tribunal n’est pas en mesure de déterminer si les abaissements de la vitesse sur les près de 280 tronçons visés par l’arrêté sont proportionnés», écrit le TAPI, comme l’ont révélé jeudi Léman Bleu et la Tribune de Genève. En cause, le fait que le Département de la santé et des mobilités (DSM) n’a pas procédé aux expertises prévues par la loi fédérale sur la circulation routière.

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La justice donne ainsi raison au policier qui avait poursuivi le combat après le retrait d’autres recours qui avaient été déposés contre l’arrêté de 2022, visant à lutter contre le bruit routier par un abaissement de la vitesse maximale autorisée sur 456 tronçons. Le conseiller d’Etat Pierre Maudet avait trouvé un consensus avec les quatre associations recourantes et publié un nouvel arrêté en 2023.

Objectif politique de Pierre Maudet: «Trouver une solution concertée»

Contacté par Le Temps, Pierre Maudet précise vouloir réunir les acteurs de la mobilité dans les semaines à venir «pour s’accorder sur les enjeux du bruit routier» et «repartir sur des bases saines». Désormais, l’objectif politique pour le magistrat est «de trouver une solution concertée et ciblée sans entraver la liberté de déplacement». Il rappelle que le TAPI annule la décision de son prédécesseur. «Héritant de cet état de fait, j’ai voulu remettre tous les acteurs autour de la table pour mettre fin à la guerre des transports via un accord sur les 30 km/h conclu en octobre 2023», explique-t-il. La lutte contre le bruit demeure une priorité, selon une déclaration du DSM, mais «la réduction de la vitesse à 30 km/h n’est pas un objectif en soi», précise un chargé de communication.

La limitation des axes routiers, dont certains devaient passer de 50 à 30 km/h et d’autres de 60 à 50, voire 30 km/h la nuit, émane de l’ancien conseiller d’Etat du Centre, alors dénommé PDC, Serge Dal Busco. A l’époque, la mesure prise par le Conseil d’Etat fait suite à un constat: quelque 120 000 habitants étaient exposés au bruit routier dans des proportions dépassant les normes fédérales, malgré la pose de revêtements phono-absorbants sur la quasi-totalité du réseau. Selon les projections d’alors, les changements étaient susceptibles de soulager le quotidien de 70 000 personnes.

«C'est un jugement qui applique la loi et la jurisprudence claire en la matière, et c'est très bien», a salué Romain Jordan, avocat du policier avec Stéphane Grodecki. A ses yeux, l'ancien magistrat en charge du département, Serge Dal Busco, «avait adopté son arrêté et réfléchi ensuite. On ne peut pas, dans un Etat de droit, gouverner ainsi».
De son côté, la coalition d'associations parties à la procédure évalue la possibilité de recourir. «Il est disproportionné qu'une personne fasse plier le canton. Sa qualité pour agir est discutable», a commenté Thibault Schneeberger, coordinateur d'Actif-trafic. Il en appelle au canton à prendre ses responsabilités pour les milliers de personnes qui souffrent du bruit routier.

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