ANALYSE. L’acteur comparaissait cette semaine pour la première fois suite aux nombreuses accusations d’agressions sexuelles le visant. Ses paroles et celles de son avocat ont été largement dénoncées. Le procureur a requis 18 mois de prison avec sursis et de 20 000 euros d’amende
Ce jeudi après-midi, la plaidoirie de Me Jérémie Assous, l’avocat de Gérard Depardieu, reste très attendue face à la 10e chambre du Tribunal correctionnel de Paris, au quatrième et dernier jour d’audience dans un procès qui devait n’en compter que deux mais qui a été repoussé puis ralenti par l’état de santé de l’acteur. Tout au long de son procès pour deux agressions sexuelles qu’il aurait commises en 2021 sur le tournage des «Volets verts» de Jean Becker, l’acteur français a effectivement choisi une défense offensive, sans tabou, ponctuée de dérapages sexistes, d’un autre temps.
L’acteur français âgé de 76 ans a lâché ses propos choquants (du type «ce ne sont pas des femmes» à propos des manifestantes qui le visent) entre deux digressions plutôt apitoyantes et «sages» selon le terme d’une plaignante qui soulignait le contraste avec son comportement habituel selon elle. Son avocat, par contre, a été constant dans son agressivité, que ce soit dans ses échanges avec les représentantes des plaignantes, avec le tribunal ou avec la presse. Il est allé jusqu’à se moquer de la voix «insupportable et dure» et du rire «hystérique» des avocates. Une démarche quasi-trumpienne dont on voit mal l’objectif mais qui a été assez largement soulignée.
Me Carine Durrieu Diebolt, l’avocate de la décoratrice désignée sous le prénom d’Amélie, a d’ailleurs tenu à le dire dans sa plaidoirie ce jeudi matin. Pour elle, avoir été «qualifiée d’abjecte, d’ignoble et de stupide dans cette enceinte» par la défense relève du jamais vu, qui donne «mauvaise image de notre profession», sans parler de la «frénésie médiatique qui se fait même peut-être aux dépens de son client», au risque de fragiliser sa défense. L’avocate ajoute que «ce n’est pas neutre ces méthodes de la défense» dont elle qualifie les effets sur sa cliente de «victimisation secondaire» et demande donc un «préjudice moral aggravé» et des compensations financières supplémentaires de 10 000 euros.
L’avocate de l’autre plaignante, désignée sous le prénom de Sarah, Me Claude Vincent, enfonce le clou: «Gérard Depardieu est un enfant misogyne qui a adopté une défense misogyne», «un agresseur défendu par un agresseur». Une agressivité également mentionnée par l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), partie civile dans ce dossier. Le réquisitoire du procureur Laurent Guy a également souligné une «stratégie de la saturation des débats» par la défense, à destination des médias selon lui.
Laurent Guy, qui a finalement requis ce jeudi 18 mois de prison avec sursis et de 20 000 euros d’amende contre Gérard Depardieu, a également rappelé cette expression de l’acteur désignant ses propres actes dans un message envoyé et mentionné dans le dossier: «C’est plus l’époque pour faire ça». Un moment du procès qui souligne l’anachronisme de la défense. L’acteur a souvent dit regretter «les temps anciens». Depardieu a également et étonnement pris dans ses réponses la défense de Roman Polanski, le réalisateur de 91 ans accusé depuis des décennies de plusieurs viols, y compris sur mineure, et «qui a vécu 50 ans de persécution» selon l’acteur.
Gérard Depardieu est allé jusqu’à dire que le mouvement MeToo était digne de la «terreur» et qu’il ignorait ce qu’était une agression sexuelle. «Je n’ai pas fait d’agression sexuelle, une agression, c’est plus grave que ça, je crois (…) plus grave qu’une main aux fesses», a-t-il dit pour répondre à un détail des faits. «Je ne sais pas ce que c’est qu’une agression sexuelle», a-t-il dû préciser, pressé par l’avocate de l’une des plaignantes. L’autre plaignante a d’ailleurs elle aussi expliqué avoir mis du temps à porter plainte entre autres parce qu’elle n’était pas nécessairement consciente des contours de ce qui définit légalement une agression sexuelle alors que les faits décrits étaient particulièrement violents. Comme si ce procès était aussi celui d’une autre époque, où MeToo n’avait pas encore mis les points sur les i. Gérard Depardieu l’a presque admis lui-même: «Je fais partie du vieux monde, sûrement, mais je ne suis pas sûr que le nouveau monde m’intéresse.»