ÉDITORIAL En insérant une dosse massive d’intelligence artificielle dans son moteur de recherche, la multinationale américaine va changer notre façon d’accéder à l’information. Pour le meilleur, ou pour le pire

Google modifie son moteur de recherche? Et alors?

A première vue, rien de très spécial. Chaque jour, les géants du numérique changent leurs services en ligne et les améliorent, en insérant de l’intelligence artificielle (IA) dans leur code informatique et sur leurs jolis prospectus marketing.

Mais aujourd’hui, la modification annoncée par Google pour les internautes suisses n’a rien d’un énième lifting. C’est un bouleversement majeur qui débute. Tout prochainement, pour certaines requêtes, la liste classique des dix liens va être reléguée en fond d’écran. Face à lui, l’internaute aura, avec les «AI Overviews», une réponse complète et structurée à sa requête, exactement comme lorsqu’il utilise ChatGPT.

Porte d’entrée du web, quasi-monopole dans la recherche en ligne avec 90% du marché, Google est presque un service public en Occident. Vingt-sept ans après ses débuts, malgré l’essor des apps sur smartphone et des concurrents en IA, son poids demeure titanesque.

Lorsque Google effectue des modifications mineures dans ses algorithmes, il modifie les résultats pour des milliards d’individus. Alors, lorsqu’il insère massivement de l’IA dans son service phare, les implications sont gigantesques.

Et les questions innombrables. Comment sélectionnera-t-il les sources pour ses réponses? Comment s’assurera-t-il que des inepties, ou «hallucinations», soient affichées le moins souvent possible? Quelle responsabilité endossera-t-il lorsque ce sera le cas? Comment s’intégrera la publicité dans ces longues réponses? Et comment celle-ci influencera-t-elle les résultats? Les internautes cliqueront-ils encore moins sur les liens externes, affichés en tout petit? Les sites de médias verront-ils le précieux trafic généré par Google s’effondrer?

N’oublions surtout pas une chose: Google est certes très efficace, mais ces dernières années, des ombres sont apparues sur les résultats. Petit à petit, les liens sponsorisés sont devenus beaucoup plus difficiles à distinguer des résultats naturels. On a aussi vu Google mettre en évidence des extraits de sites web dans ses réponses, sans que l’on sache comment il les sélectionnait. Sans parler de l’omniprésence des liens rémunérés vers ses partenaires commerciaux via son service Shopping.

On ose espérer que l’arrivée progressive et massive de l’IA sera effectuée de manière responsable par Google. Les risques précités sont si élevés, les questions si nombreuses, que l’on s’avoue (légèrement) pessimiste pour la suite.