OPINION. Pourquoi si peu de réactions face au chaos et à la brutalité qui s'installent outre Atlantique, et détruisent l'infrastructure démocratique, écrit le médecin et éthicien Bernard Kiefer
Le monde danse sur les bords du précipice. Qu’y a-t-il, au-delà du vertige? Peut-être la fin de cet élément essentiel de civilisation appelé démocratie. Les figures belliqueuses et bouffonnes qui bandent les muscles aux Etats-Unis et dans un nombre croissant de pays y voient une chance pour faire advenir un futur nouveau. Pseudo-nouveauté, cependant, qui porte les formes grossières d’un retour au sombre passé, avec son arrogance de faux-semblants et son mépris des humains, de la culture et des sciences qui les font vivre.
Dans la cour de Néron (selon l’expression de Claude Malhuret), on se prend pour de petits dieux, on purifie la langue officielle de mots dérangeants, on interdit des milliers de livres (avant d’emprisonner leurs auteurs?), on change les antiques références des cartes géographiques. Avec une terrifiante brutalité, on se venge de la moindre vexation, on annonce la future annexion de pays voisins, on traite en ennemis les amis d’hier et vice-versa, on balance les droits de l’homme et le droit tout court, on n’essaie plus de séduire le monde par la vertu de la liberté – au contraire, on menace ce qu’il y a d’ouvert et de libre dans les démocraties. Tout cela est fou, oui, sans doute. Mais la référence de la folie a elle-même disparu, balayée par la stratégie du chaos et la destruction méthodique de ce qui protège la fragilité du monde.
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