Le géant jaune, qui a amélioré ses résultats l’an dernier, ne dévie pas de son cap. L’entreprise réclame davantage de flexibilité «pour pouvoir pérenniser son succès»

La Poste présentait jeudi son bilan annuel à Berne dans un contexte tendu. Une partie de la classe politique est en effet remontée contre l’entreprise. Malgré le soutien des Romands, la demande de moratoire sur la transformation de la Poste a été rejetée mardi par le Conseil des Etats. Le géant jaune pourra donc librement poursuivre sa restructuration, qui prévoit de fermer 170 offices dans le pays.

Parallèlement, le directeur général Roberto Cirillo, artisan durant six ans de la transformation du groupe, quittera la Poste à la fin du mois. Le Tessinois avait annoncé son départ en début d’année. Le responsable des finances Alex Glanzmann assurera l’intérim.

Avant toute chose, le président du conseil d’administration Christian Levrat n’a pas caché sa satisfaction à la suite de la décision du Conseil des Etats. «Il aurait été inimaginable d’être paralysé durant plusieurs années, le temps que la loi sur la Poste soit révisé», a souligné l’ex-syndicaliste. «Nous ne sommes pas sourds. Nous entendons les craintes des communes. Mais un gel n’est pas la solution», a affirmé le Fribourgeois.

Le paradoxe du service public

Pour réaliser au mieux sa mission, le géant jaune estime que «la législation postale doit être adaptée aux besoins réels de la population et des entreprises». Christian Levrat plaide pour la révision de la loi sur la Poste, qui date de plus de 20 ans et n’est plus adaptée à la situation actuelle.

Attaqué par certains députés, l’ex-président du Parti socialiste a décoché quelques flèches. Le Fribourgeois pointe du doigt «le paradoxe du service public». Les consommateurs, y compris les politiciens, viennent de moins en moins dans les bureaux de poste, mais utilisent les services numériques. Mais comme citoyens, ils ont tendance à «mythifier» les offices de poste, déplore-t-il.

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L’ex-conseiller aux Etats ajoute: «La politique s’est limitée à un débat caricatural sur la Poste sans prendre la mesure des défis auxquels nous sommes confrontés. Le moment est venu d’avoir une vraie discussion, honnête, sur ce que l’on attend des services postaux». Le message vise aussi bien ceux qui veulent «empêcher tout développement numérique» que ceux qui souhaitent «figer la Poste dans le passé».

La situation au Danemark est un «signal d’alarme», estime Christian Levrat. «C’est ce qui risque d’arriver si nous ne faisons rien». La poste danoise vient d’annoncer qu’elle allait cesser en fin d’année de distribuer le courrier pour se concentrer sur les colis en raison de la numérisation et la chute drastique du nombre de lettres. La restructuration va entraîner la suppression de 1500 postes, soit un tiers des effectifs.

Opposition romande

L’objectif de La Poste reste de trouver une solution pour les 170 offices touchés d’ici à fin 2028. Le réseau d’offices postaux devrait alors comprendre environ 600 agences en exploitation propre et 1400 sites en partenariat. Les fermetures seront étalées sur quatre ans. Une cinquantaine de bureaux devraient être transformés en 2025, a précisé Roberto Cirillo. «Là ou les communes ont accepté de dialoguer, nous avons un plan conjoint. Mais nous avons certains cas où il faudra passer par la PostCom (Commission fédérale de la Poste), surtout en Suisse romande, afin de trouver une solution», a-t-il expliqué.

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La Poste a les coudées franches pour poursuivre sa restructuration, alors qu’elle affiche une bonne santé financière. Le géant jaune a bouclé l’exercice 2024 sur un bénéfice consolidé de 324 millions de francs, soit 70 millions de plus qu’en 2023. «La Poste est à l’équilibre sur le plan financier et peut s’appuyer sur un bilan sain. Ces dernières années, nous nous sommes attachés à créer une Poste robuste et viable», a souligné Roberto Cirillo, qui faisait ses adieux. Le chiffre d’affaires a lui augmenté de 4,8% à 7,63 milliards.

«Les mesures tarifaires introduites début 2024 ont permis de compenser le recul structurel du volume des lettres. Par ailleurs, nous sommes parvenus à réduire nos coûts en mettant en place des programmes de gain d’efficacité durant ces quatre dernières années», a détaillé Alex Glanzmann. La prudence est cependant de mise. Les taux d’intérêt restent très volatils, ce qui représente un défi en particulier pour le résultat de PostFinance, a-t-il souligné. Le bras financier de la Poste a vu son résultat d’exploitation reculer de 61 millions, à 203 millions.

Un nouveau patron avant l’été

De plus, le recul structurel des volumes devrait se poursuivre. Le nombre de lettres distribuées a baissé l’an dernier de 5,5%. Quant aux envois de colis, ils ont diminué de 2,9%. La Poste continue cependant de tabler sur une hausse du volume des colis à moyen terme. D’une manière générale, des adaptations de prix ne peuvent pas être exclues, a averti Christian Levrat.

Par ailleurs, le processus de recherche du nouveau directeur général suit son cours. Le nom du successeur de Roberto Cirillo devrait être annoncé d’ici l’été. «Nous cherchons une personnalité forte capable de conduire le pétrolier, a résumé Christian Levrat. Nous avons déjà rencontré des candidats très intéressants.»