Des émissaires américains sont partis pour Moscou pour obtenir du Kremlin un cessez-le-feu en Ukraine. Dans cette tentative de paix, les diplomates classiques sont écartés
Après avoir amené l’Ukraine à la table des négociations, l’administration Trump est face à un défi bien plus redoutable: convaincre Vladimir Poutine de l’intérêt d’un cessez-le-feu de trente jours accepté par les Ukrainiens lors de négociations avec Washington mardi à Djeddah, en Arabie saoudite. La délégation américaine était menée par le secrétaire d’Etat Marco Rubio et le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz. Mais, c’est Steve Witkoff, l’envoyé spécial du président pour le Moyen-Orient, qui sera chargé de la mission autrement délicate de confronter le président russe.
A la Maison-Blanche mercredi en compagnie du premier ministre irlandais Micheál Martin, Donald Trump a espéré que la Russie accepte ce cessez-le-feu: «80% du chemin sera alors accompli», a déclaré le président, très optimiste sur un accord de paix. Il a annoncé que ses émissaires partaient «dès maintenant» pour Moscou. Donald Trump n’a toutefois pas précisé si Steve Witkoff, son homme de confiance, faisait partie du voyage, ni quand le président comptait parler directement à Vladimir Poutine ou le rencontrer.
Ami de trente ans de Donald Trump et promoteur immobilier comme lui, Steve Witkoff s’était déjà rendu à Moscou en février pour ramener l’Américain Marc Fogel, condamné à 14 ans de prison pour possession de quelques grammes de cannabis. L’émissaire y avait longuement rencontré Vladimir Poutine, prélude du rapprochement spectaculaire entre Washington et Moscou. Avant ce voyage, Steve Witkoff n’avait pas d’expérience connue sur la Russie. Il n’avait pas non plus la moindre expérience diplomatique avant de prendre ses fonctions comme émissaire pour le Moyen-Orient. Malgré tout, il avait contribué au cessez-le-feu et à la libération d’otages par le Hamas contre des prisonniers palestiniens avant même l’entrée en fonction de Donald Trump.
Cette répartition des tâches montre que le président privilégie la proximité personnelle à la connaissance des dossiers. Marco Rubio, le chef de la diplomatie, est relégué au second rôle, comme dans le Bureau ovale le 28 février. Quand le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait été humilié devant les médias par Donald Trump et son vice-président J. D. Vance, le secrétaire d’Etat n’avait pipé mot, s’enfonçant dans son canapé. Il a été ensuite chargé de renouer les liens avec l’Ukraine, la partie au conflit sur laquelle les Etats-Unis ont la plus grande influence. En échange de l’acceptation du cessez-le-feu général voulu par les Etats-Unis, alors que l’Ukraine aurait préféré une cessation des hostilités plus limitée et vérifiable, Washington a rétabli l’aide militaire et l’échange de renseignements à son allié malmené.
L’émissaire officiel pour l’Ukraine, le général à la retraite Keith Kellogg, avec un profil plus classique et qui, lui, connaît bien l’Ukraine et les enjeux de cette guerre, est complètement écarté de ces discussions cruciales. «Nous travaillons comme une équipe», avait assuré l’ancien officier, lors d’une conférence la semaine dernière, prônant «la paix par la force», le slogan de Ronald Reagan enterré par l’isolationnisme de Donald Trump. Il disait alors que la précédente tentative d’un règlement de paix à Istanbul, en mars 2022, quand les troupes russes étaient encore aux portes de Kiev, n’était pas pertinente et qu’il fallait «inventer quelque chose de nouveau». Steve Witkoff avait évoqué un «bon point de départ».
Au lendemain de la rencontre de Djeddah, Marco Rubio disait qu’il avait discuté avec l’Ukraine du cadre de futures négociations de paix, seulement possibles si les armes se taisent, ce qui relève pour l’instant d’un vœu pieux. Dans des remarques face aux médias, il a évacué la question de garanties de sécurité réclamées par l’Ukraine pour dissuader une reprise de l’invasion russe. Il ne s’est pas engagé sur la participation des Européens à ces négociations sur leur continent, d’autant qu’ils sont prêts à fournir des troupes pour maintenir un éventuel accord de paix. Le chef de la diplomatie a, en revanche, insisté pour que Kiev et Washington signent finalement l’accord sur le partage des minerais ukrainiens. «Cela développera économiquement l’Ukraine et la renforcera, ce qui est une dissuasion contre les attaques», a plaidé Marco Rubio.