Le nouveau ministre se situe plus à droite que la démissionnaire Viola Amherd. Cela pourra influer sur la politique globale du gouvernement. C’est cependant sur les dossiers de la Défense, qu’il devrait reprendre, que le parlement l’attend le plus

Viola Amherd s’en va, Martin Pfister arrive. L’émotion de l’élection passée, des questions concrètes se posent sur le positionnement du nouveau ministre, l’impact qu’il aura sur l’ensemble du gouvernement, et sur certains dossiers concrets. La conseillère fédérale en partance du Département fédéral de la défense (DDPS), classée au centre de l’échiquier politique, soignait une approche d’ouverture à la collaboration internationale en matière militaire (OTAN, UE), s’engageait pour les nouveaux accords avec l’Union européenne, et plaisait à la gauche pour ses actions en faveur de l’égalité et du climat.

Encore peu connu dans la Berne fédérale où il n’a jamais siégé, Martin Pfister devra se faire un prénom. Pour l’instant, ceux qui l’ont côtoyé décrivent un politicien plus à droite que Viola Amherd. Comme de coutume, lui-même ne s’est pas beaucoup avancé sur ses positions au moment de sa première conférence de presse officielle. Il veille à épouser les projets du collège gouvernemental.

«Neutralité flexible»

Il a certes parlé de sa volonté d’une «Suisse sociale et libérale», reprenant un des slogans de son parti, Le Centre, mais est resté sur la retenue lorsqu’il a été questionné sur des sujets spécifiques qui devraient se dresser sur sa route de – probable – futur ministre de la Défense. Comme les réexportations d’armes suisses à destination de l’Ukraine, envahie par la Russie. Une thématique marquée par la neutralité historique du pays. «Notre neutralité doit rester flexible», estime Martin Pfister.

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A gauche, on a élu Martin Pfister… Mais on déplore malgré tout un «glissement à droite» du Conseil fédéral, même si «des incertitudes» demeurent sur le positionnement du nouveau magistrat, remarque Roger Nordmann (PS/VD), conseiller national au long cours. Comment Martin Pfister se prononcera-t-il sur la grande réforme des retraites que la ministre socialiste Elisabeth Baume-Schneider présentera vers 2026? L’avenir le dira.

Plus ouvert sur l’UE

Sur d’autres enjeux, le Zougois s’est montré un peu plus clair. Il a notamment une approche plus ouverte sur les accords avec l’Union européenne que son concurrent défait, Markus Ritter. «On a évité le pire, à défaut d’avoir le meilleur», lâche Fabien Fivaz, vice-président du groupe parlementaire écologiste.

Au Parti libéral-radical également, certains pro-Européens se réjouissent de l’élection de Martin Pfister. «Il ne bloquera pas le processus des accords en travaux. Markus Ritter aurait, lui, été comme un troisième membre de l’UDC (parti eurosceptique) au Conseil fédéral», résume l’un. Par contre, le nouveau conseiller fédéral ne sera «peut-être pas autant pro-européen que Viola Amherd. Il défendra une position plus prudente», prédit Gerhard Pfister, le président de son parti, Le Centre. En outre, «il s’intégrera dans le collège gouvernemental», et a le potentiel pour amener de la stabilité dans le septet.

«Markus Ritter aurait déséquilibré le gouvernement», juge Fabien Fivaz. «Cela aurait empiré la configuration actuelle, où le quatuor de droite PLR-UDC impose déjà souvent ses vues» aux trois autres ministres, représentants du Centre et du PS. Son énergie et son attitude très dominante inquiétaient aussi une frange des élus.

Sinon, en matière économique et financière, Martin Pfister devrait se situer plus à droite que Viola Amherd. C’est, entre autres, l’appréciation du président du Centre, Gerhard Pfister. Qui ajoute en souriant: «Il n’est pas aussi à droite que ce que la gauche dit.»

A l’UDC, favorable au perdant Markus Ritter, le conseiller national Jean-Luc Addor (VS) constate que Martin Pfister a été porté par la gauche rose-verte. «Ces partis ne veulent pas tirer le Conseil fédéral à droite. Si le nouvel élu est celui que la majorité a voulu, il n’y aura pas de changement.»

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Attendu sur les dossiers militaires

Les parlementaires de différents partis s’accordent sur un point: c’est bien sur les dossiers du Département fédéral de la défense, pour lequel il semble être le seul prétendant, que Martin Pfister est le plus attendu.

«Quelle transparence pratiquera-t-il vis-à-vis du parlement?» s’interroge l’écologiste Fabien Fivaz, membre de la Commission de sécurité. «Est-ce qu’il communiquera mieux que sa prédécesseure, que ce soit sur les projets problématiques ou sur la politique internationale de sécurité?»

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Son collègue à la Commission de sécurité, Jean-Luc Addor, martèle que Martin Pfister «ne doit pas gérer l’héritage du passé: il doit nommer de nouveaux chefs à l’armée et au service de renseignement sans attendre la fin du délai» des démissionnaires, Thomas Süssli et Christian Dussey, qui se sont engagés, à rester encore plusieurs mois après l’annonce de leur départ. «Stoppera-t-il la dérive atlantiste et européiste du Département de la défense?» poursuit Jean-Luc Addor.

Le parlement attend, tous partis confondus, que Martin Pfister reprenne en main les coûteux projets d’armement menacés de retard. Le chef du groupe libéral-radical, Damien Cottier, est ici assez confiant. «Son grade de colonel, sans pour autant être militaire de carrière, va l’aider à avoir le respect de la hiérarchie militaire.»

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