CHRONIQUE. A bas bruit, la chasse aux imperfections a gagné du terrain. Or elle s’accompagne d’une standardisation des critères de beauté aux antipodes des aspirations à l’authenticité et à la singularité. Le poète italien Eugenio Montale nous aide à apprécier cet élan et ce qu’il a d’illusoire

Sans faire de bruit, le monde autour de nous se transforme, sans que nous en soyons conscients sur-le-champ. Ce sont autant de révolutions muettes qui s’infiltrent, inaperçues, dans notre quotidien, et il nous manque souvent le recul nécessaire pour les voir. Elles se manifestent par un sentiment diffus d’étrangeté, celui de ne plus appartenir tout à fait à notre «biotope». Ce n’est pas seulement le décor qui change, mais aussi ceux qui le traversent. Pas à cause de leurs vêtements ou de la couleur de leur peau. Quelque chose de plus subtil est en jeu, faisant qu’on ne reconnaît plus les gens qui passent à côté de nous, parce qu’ils ne sont plus tout à fait les mêmes: leur humanité a changé.

Et c’est bien le cas. Petit à petit, la démocratisation de la chirurgie esthétique, en particulier auprès des adolescents, est en train de remodeler la forme de nos traits sur un patron uniforme. Pour mieux ressembler aux canons de beauté popularisés en ligne, la chasse aux imperfections est ouverte. La faute aux influencers et aux multiples filtres visuels qu’on essaie de traduire dans la réalité de chair, avec pour conséquence une sorte de virtualisation de l’existant. Mais ce serait une erreur de tout leur mettre sur le dos: ils n’ont été, les uns et les autres, que le détonateur d’une charge explosive bien implantée.

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