Les anciens directeur créatif, vice-président du service éditorial et directeur jeu doivent être jugés pour des faits de «harcèlement systémique» remontant à 2020. Un procès très attendu, alors que les autres affaires du secteur se règlent généralement à l’amiable
Le tribunal correctionnel de Bobigny a ordonné lundi le renvoi à début juin du procès pour harcèlement moral et sexuel de trois anciens hauts cadres du géant français des jeux vidéo Ubisoft.
Ce renvoi a été réclamé par des avocats des parties civiles et de la défense qui estimaient n’avoir eu accès que très tardivement à un nombre conséquent de pièces du dossier.
Serge Hascoët, ancien directeur créatif et numéro 2 du groupe, Thomas François, ancien vice-président du service éditorial et Guillaume Patrux, ancien «game director», répondront donc du 2 au 6 juin à la justice des accusations de harcèlement systémique qu’ils auraient exercé sur leurs employés pendant près d’une décennie.
Le scandale éclate au grand jour en juillet 2020 grâce à des enquêtes publiées dans les médias Libération et Numérama, à la suite d’une vague de témoignages anonymes sur le réseau Twitter (aujourd’hui X). «Pour l’industrie du jeu vidéo, la procédure est historique, rappelle aujourd’hui Libération. Les autres grandes affaires de harcèlement et d’agression sexuelle, notamment chez l’américain Activision Blizzard, n’ont donné lieu à aucun procès, les plaintes étant systématiquement réglées à l’amiable.»
Dans la foulée, Serge Hascoët démissionne. Thomas François et Guillaume Patrux sont eux licenciés pour faute grave. «Depuis le mois de février 2024, je dis qu’il manque des pièces dans ce dossier», a réagi Me Maude Beckers, suite à la décision du renvoi par le tribunal correctionnel lundi.
L’avocate de plusieurs victimes et du syndicat Solidaires Informatique déplore que ce soit «quatre jours avant l’audience qu’on nous (produise) de nouvelles pièces.» L’absence de poursuites de l’entreprise Ubisoft et son service des ressources humaines constitue également une source de frustration pour les parties de ce procès.
«Comment on peut imaginer qu’il peut y avoir un débat au mois de juin sans l’employeur responsable de violation d’obligations de prévention et de sécurité?», questionne Me Beckers. «Parce que si ces hommes ont pu avoir le comportement qu’ils ont eu, c’est évidemment d’abord de leur faute, mais c’est également du fait de l’employeur qui n’a pas mis un stop à ça. Et tout le procès va se dérouler sans lui? C’est inimaginable», s’est indignée l’avocate.
Les conseils des trois prévenus n’ont pas souhaité faire de déclarations aux médias à l’issue de l’audience. Thomas dit «Tommy» François concentre contre lui le plus de témoignages accablants: il aurait notamment diffusé des films pornographiques dans l’open space, ou commenté publiquement le physique des employées qu’il insultait de façon régulière.
Accusé de comportements libidineux et de questions intrusives de nature sexuelle, Serge Hascouët est par ailleurs accusé de commentaires et actes racistes.