ÉDITORIAL. Pas le feu, pas le temps, pas le bon moment. Les excuses ont fusé ces derniers jours pour expliquer le manque d’enthousiasme des élus fédéraux du Centre à briguer un fauteuil au gouvernement. La fonction mérite mieux que ça
Sous la Coupole, on raconte depuis longtemps qu’ils et elles sont 246 à se rêver au Conseil fédéral, tous les matins en se rasant ou tous les soirs en décrochant ses boucles d’oreilles. Ce mois de janvier, l’image semble jaunie.
Depuis l’annonce du départ de Viola Amherd, les désistements des cadors du Centre ont été aussi nombreux et variés que les excuses avancées pour motiver leur refus. La Suisse est sans doute un des rares pays du monde où il faut désormais séduire des élus pour qu’ils aient envie du pouvoir. Pourtant, conseiller fédéral reste un joli job, même en 2025.
Car en Suisse, le ministre est l’un parmi sept, et non parmi 35 comme en France, ou 75 comme en Afrique du Sud; ses prérogatives sont donc importantes. Plus intéressant, notre collège gouvernemental de consensus, qui inclut des membres de toutes les grandes forces politiques et les place tous sur un pied d’égalité, permet une marge de manœuvre illimitée. Chacun peut et doit s’intéresser aux affaires des autres, via discussions et corapports, chacun participe donc à l’entier des décisions gouvernementales. Tout en évitant l’ultra-domination d’une personnalité ou d’une formation, ce système unique permet à un ministre motivé et créatif d’exercer une réelle influence sur la marche du pays.
Dans cette époque qui voit le retour en grâce d’aspirations au totalitarisme, la défense de la formule suisse devrait suffire à surmotiver celles et ceux qui ont pour ambition de défendre le bien commun.
Enfin, on parle ici de l’unique membre du Centre au gouvernement. Là encore, pas de quoi faire la grimace. Le Centre est courtisé tant par la gauche que par la droite, et son représentant peut jouer au faiseur de majorité. Le bloc de droite qui mène le bal actuellement au Conseil fédéral est d’une solidité toute relative; en fonction des thématiques et des personnalités, les équilibres peuvent assez vite fluctuer. Et malgré la pauvre préparation de cette séquence de succession, Le Centre est en phase de reconquête. Le spectre d’un deuxième fauteuil centriste en 2027 inquiète de plus en plus les rangs libéraux-radicaux. Reste le département à repourvoir, celui de la défense, qui fait peu envie. Mais l’offensive russe en Ukraine lui a donné une nouvelle importance stratégique, et son Secrétariat d’Etat un nouveau poids politique.
Pour l’élu qui sera désigné par l’Assemblée fédérale le 12 mars, les perspectives sont attrayantes. Encore faut-il voir clair.