Droits des femmes, des minorités, démocratie: Assaad Hassan Al Shibani sait que le nouveau gouvernement syrien est scruté sur ces questions. Mercredi à Davos, il a fourni des réponses simples et directes à l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair

«Le vrai point d’interrogation, c’est la Syrie». Quelques heures après ce commentaire du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres qui soulignait l’immense question de l’avenir démocratique d’une ancienne dictature impitoyable libérée par un mouvement islamiste, le ministre syrien des Affaires étrangères en personne tentait d’amener quelques réponses.

Interrogé par un Tony Blair qui a, un moment, frisé la condescendance face à ses réponses et lui a proposé de s’exprimer en arabe avant de découvrir qu’il parlait fort bien en anglais, Assaad Hassan Al Shibani s’est livré à un exercice de communication d’une demi-heure au Forum économique mondial de Davos. Il se savait attendu sur les questions de droit des femmes, des minorités, de respect de la démocratie. Antonio Guterres n’avait-il pas souligné le matin même que «le nouveau gouvernement syrien a des coutumes qui soulèvent beaucoup de questions – Il y a des signes de tolérance et d’ouverture, mais voyons comment ça va se traduire»?

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Bien des messages à faire passer

Souriant dans un costard impeccable, Assaad Hassan Al Shibani a donc cherché à rassurer. Cinquante jours après avoir conquis Damas, le voici à Davos. Son «impression?», commence Tony Blair: «incroyable. Je n’y aurais jamais cru. Mais la Syrie est libre, elle a été rendue à son peuple, et nous avons beaucoup d’attentes et beaucoup de rêves». Rappelant gravement le coût «très élevé» payé par ses compatriotes pour arriver à ce jour, le ministre des affaires étrangères souligne vouloir «regarder l’avenir, pas le passé. La misère dans laquelle ont été plongés les Syriens ne se répétera pas». Et aujourd’hui, «il y a beaucoup de petits Davos à Damas: des tas de gens viennent du monde entier pour discuter, échanger, conseiller», souligne-t-il.

Vient la question à plusieurs millions: celle du respect des minorités. Une interrogation qui fait partie du passé, à entendre Assaad Hassan Al Shibani: «Nous sommes encore victimes de ce gouvernement sectaire» mais «nous ne devons pas être divisés, mais inclure tout le monde. Ce sera la clé du succès». Et les femmes? «En Syrie, elles sont respectées, et elles doivent prendre le rôle qui leur revient dans la construction de notre avenir. Nous garantirons leur place et leurs droits sans aucune pression». Y en a-t-il qui occupent des places de premier plan?, insiste Tony Blair. Le nouveau ministre des affaires étrangères répond avec humour: «on a nommé Maysaa Sabrine à la tête de la Banque centrale syrienne, c’est une première. Alors, elle a l’argent, et c’est à elle qu’on doit demander pour nos projets…», répond-il dans les rires de l’assistance.

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«Ouvrir la porte à des investissements étrangers»

L’économie, justement, est un domaine crucial pour cet Etat failli où la misère a explosé. Le nouveau gouvernement veut «ouvrir la porte à des investissements étrangers» en se concentrant sur les routes, les télécommunications, l’énergie et l’éducation, mais aussi convaincre les Syriens éduqués de revenir chez eux. «On ne veut pas être un pays qui dépende pour toujours de l’aide humanitaire».

A Davos, Assaad Hassan Al Shibani porte un message: il faut absolument lever les sanctions économiques; la clé de la stabilité, c’est cela, dit-il, parce que les maintenir reviendrait à «couper les mains à quelqu’un et lui demander d’aller ramener du poisson au fond d’une rivière», ajoute le ministre. Interrogé sur le calendrier des élections, le ministre souligne qu’elles auront lieu, car «nous voulons un pays gouverné par la force de la loi et non celle d’une personne». De Davos à Damas, l’avenir dira si les paroles d’Assaad Hassan Al Shibani se transformeront en actes après cet exercice de communication réussi.

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