ÉDITORIAL. En l’espace de vingt-quatre heures, aidés par Donald Trump, les géants américains du numérique ont reçu un immense coup de boost. Et cela aura des conséquences très rapides

Vous avez apprécié la domination américaine de l’univers numérique ces deux dernières décennies? Alors réjouissez-vous: le phénomène risque de s’intensifier et de s’accélérer.

Sarcasme mis à part, prenons deux minutes pour mesurer la teneur de ce qui se passe outre-Atlantique. Lundi, Donald Trump effaçait un décret de son prédécesseur, qui demandait pourtant mollement des comptes à ses champions domestiques de l’intelligence artificielle (IA). Et le lendemain, le même Donald Trump annonçait un fonds de 100 milliards, appelé à être multiplié par cinq (!) en quatre ans, pour des investissements colossaux sur le territoire américain.

Bien sûr, il y a une jolie part de communication et d’opportunisme derrière ces annonces. Mais sur le fond, la tendance est massive. Débarrassés de toute cautèle réglementaire sur leur sol, et assurés d’une aide importante de Washington pour leurs méga-projets, les géants de la tech américains sont sous stéroïdes. Pour bâtir encore plus vite des infrastructures titanesques, bases si importantes de leurs services, et développer des modèles d’IA qui, après-demain, seront au cœur de nos téléphones et ordinateurs.

Difficile, devant une telle puissance de frappe, d’imaginer une réponse crédible pour contrer cet impérialisme technologique. En voulant maintenir une avance sensible face à la Chine, en voulant finir de conquérir l’univers occidental avec leurs solutions, les OpenAI, Microsoft ou Google vont écraser tout embryon de concurrence. Bien sûr, on peut espérer, pour tenter de garder une once de souveraineté numérique, la création de sortes d’Airbus européens de la technologie, comme l’esquissait récemment Cédric Durand, professeur d’économie à l’Université de Genève, dans nos colonnes. Mais pour cela, il faudra une volonté politique.

Pour l’heure, on en est loin. On observe surtout une Union européenne isolée et en partie tétanisée face à des géants américains de la tech, qui ont désormais les deux oreilles de Donald Trump pour s’attaquer à Bruxelles. Souvenons-nous de cette phrase prononcée récemment par Mark Zuckerberg. Le directeur de Meta disait vouloir travailler avec Donald Trump «pour repousser les gouvernements du monde entier qui s’en prennent aux entreprises américaines».

Prendre la mesure de ce phénomène massif, qui ne fait que s’accélérer, est une chose. Trouver des solutions concrètes face à cette domination de l’espace numérique en est une autre.