ÉDITORIAL. Au WEF, Karin Keller-Sutter s’est livrée à une petite leçon de libéralisme. De quoi noter que les Etats-Unis n’ont jamais été aussi éloignés qu’aujourd’hui d’une doctrine à laquelle ils sont pourtant régulièrement associés

En tant que fille de restaurateurs, Karin Keller-Sutter comprend bien les préoccupations des petites et moyennes entreprises, la présidente de la Confédération ne manque en tout cas jamais une occasion de le rappeler. Un des facteurs qui expliquent peut-être pourquoi elle a choisi mardi, lors de l’ouverture du WEF, de donner une petite leçon de libéralisme, prônant des règles claires et sûres, de la transparence, et – sans surprise – des finances publiques saines.

La conseillère fédérale saint-galloise n’a pas manqué au passage de relever les dangers d’une «concentration des ressources entre les mains d’une petite élite», citant ainsi les récents Prix Nobel d’économie. Daron Acemoglu, Simon Johnson et James Robinson ont en effet reçu en novembre la distinction suprême pour leurs recherches sur la compréhension des différences de prospérité entre les nations.

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L’indispensable ouverture du marché

Lors de cette allusion, l’image des barons californiens de la tech, tous assis en bonne place lors de la cérémonie d’investiture du président américain, Donald Trump, a immanquablement jailli dans l’esprit des participants installés dans le Centre des congrès à Davos.

Elon Musk, Mark Zuckerberg, Jeff Bezos… Des entrepreneurs dont le parcours entrepreneurial ne peut que forcer le respect et une certaine admiration, notamment dans une partie de la grande famille libérale. Obnubilées par la dérégulation, harassées, parfois à juste titre, par la surréglementation ambiante, ces voix relèguent aux oubliettes un fondamental de la doctrine attribuée à Adam Smith, l’indispensable nécessité d’avoir une concurrence qui fonctionne.

Depuis la publication au XVIIe siècle de la Richesse des nations, bien de l’eau a évidemment coulé sous les ponts. Alors que l’économie la plus performante du monde rêve de mercantilisme, soit la domination par les exportations et la puissance commerciale, on ne peut s’empêcher de relever que c’est le rejet de cette approche économique qui a guidé il y a près de 300 ans la plume du penseur écossais.

Sous la présidence d’un personnage ouvertement acoquiné avec des empires technologiques qu’il est supposé garder sous contrôle, qu’adviendra-t-il des velléités de la justice américaine de démanteler le tentaculaire Google? Gageons que le très pragmatique faiseur de deals trouvera une pirouette pour ne pas toucher à un géant qui, somme toute, est aussi l’un des symboles de la puissance qu’il aime tant.

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