Positif à la méthamphétamine lors d’un contrôle antidopage en avril 2024, blanchi dès le mois de juin, le gardien et capitaine de l’équipe de Suisse de handball reste suspendu à un recours devant la justice sportive. Cela ne l’empêche pas de briller au Mondial
Pour un athlète de haut niveau, il n’y a pas soupçon plus infamant que celui du dopage, et l’opprobre subsiste jusqu’à ce que la dernière instance susceptible de sévir renonce à son dernier levier d’action. Après son contrôle positif, le numéro 1 mondial du tennis Jannik Sinner a été blanchi par l’International Tennis Integrity Agency mais l’Agence mondiale antidopage (AMA) a fait appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS): les audiences sont prévues en avril et d’ici là, une épée de Damoclès est suspendue au-dessus des courts où joue l’Italien – ceux de l’Open d’Australie ces jours-ci.
Drôle de situation, que peut comprendre mieux que personne Nikola Portner. Le gardien et capitaine de l’équipe de Suisse de handball, qui a gagné 37-26 contre la Tunisie mardi à Herning (Danemark) pour son premier match du tour principal du Championnat du monde, attend la fin des procédures de la justice sportive plus de huit mois après un test positif à la méthamphétamine pour lequel il a été blanchi par la Ligue allemande dès le mois de juin 2024.
Le fils du champion du monde yougoslave Zlatko Portner est une figure du handball national. Avec Montpellier en 2018 puis Magdebourg en 2023, il a remporté deux fois la prestigieuse Ligue des champions. Il garde la cage de la Nati depuis 2011, l’époque où les grands tournois internationaux se disputaient systématiquement sans elle. Ses parades, son professionnalisme et son ambition ne sont pas pour rien dans le retour au plus haut niveau opéré par la Suisse ces dernières années, avec des participations aux Championnats d’Europe 2020 et 2024, ainsi qu’aux Mondiaux 2021 et, donc, 2025. Au Danemark, Nikola Portner est le doyen du groupe réuni par le sélectionneur Andy Schmid. Son aura ne semble absolument pas avoir pâti du coup d’arrêt que sa carrière a subi lorsque, début avril 2024, un contrôle antidopage réalisé après un match de Bundesliga s’est révélé positif.
La méthamphétamine est surtout connue pour son usage récréatif, sous son nom de «crystal meth» – c’est la drogue que «cuisine» Walter White dans la série Breaking Bad. Sa détention et sa consommation sont prohibées. C’est ainsi qu’un beau jour de printemps, peu après le fameux test, Nikola Portner a vu la police se présenter à la porte de son domicile de Magdebourg pour une perquisition. Les agents n’ont rien trouvé sur place et l’enquête pénale a rapidement été classée sans suite.
Mais cela n’a pas suffi à absoudre le handballeur aux yeux de la justice sportive. Car la «meth», qui permet d’améliorer la concentration et de masquer la fatigue, a aussi un sérieux historique en matière d’amélioration des performances. Elle a été utilisée par des populations aussi diverses que les nazis, les chauffeurs routiers et bien sûr les sportifs de haut niveau. Le joueur de tennis américain Andre Agassi a avoué après sa carrière y avoir été accro. Avant de devenir vice-champion olympique, le sauteur en longueur sud-africain Luvo Manyonga y a aussi eu recours, une suspension de 18 mois à la clé.
Dès le résultat positif de son contrôle, et «de manière préventive», Nikola Portner a donc été suspendu par la Bundesliga et mis à l’écart par son club de Magdebourg. Sur ses réseaux sociaux, lui s’est déclaré «profondément choqué», tandis qu’il promettait de «tout faire pour démontrer [qu’il n’avait] violé aucun règlement antidopage». En Allemagne, où le handball jouit d’une grande popularité, l’affaire a fait les gros titres. Des experts se sont écharpés sur les effets supposés de la «meth» sur les performances d’un gardien. Des journaux se sont interrogés sur la consommation de l’international suisse – aurait-il un problème d’addiction?
Ses proches, eux, n’en croyaient mot. On parle d’un sportif, rappelait la semaine dernière la Neue Zürcher Zeitung, connu pour ne consommer ni alcool ni complément alimentaire. «Il ne vient même pas boire une bière pour fêter nos victoires», témoignaient ses coéquipiers. Quand ils ont soulevé la Coupe d’Allemagne, l’un d’entre eux a porté son maillot au moment des célébrations et son entraîneur lui a rapidement fait parvenir une médaille. Pour eux, l’innocence de Nikola Portner ne faisait pas un pli, et sa contribution au titre devait être récompensée malgré son absence lors des derniers matchs.
Ces marques de confiance ne l’empêchaient pas de risquer une suspension de quatre ans. Mais deux mois et demi plus tard, le comité directeur de la Bundesliga a levé la suspension du gardien en raison du niveau de concentration du produit dans ses échantillons, si peu élevé que l’hypothèse d’une contamination fortuite lui paraissait crédible. «Blanchi», annonçaient les médias. Mais l’Agence allemande antidopage (NADA) a décidé de ne pas en rester là et de faire recours devant le Tribunal arbitral du sport, à Lausanne. Un peu comme l’AMA qui croit à la contamination accidentelle de Jannik Sinner mais le pense coupable de négligence et souhaite le voir sanctionné, la NADA ne crie pas à la culpabilité de Portner mais exige des «clarifications».
En attendant le verdict de l’instance basée à Lausanne, le gardien s’efforce de vivre le moment avec philosophie. Lors d’un point presse la semaine dernière, il a raconté avoir pris conscience, en croisant un sans-abri dans les rues de Magdebourg alors qu’il faisait son jogging, que sa situation personnelle n’était pas si désespérée que cela. Surtout, il a décidé de l’affronter en donnant le meilleur de lui-même. En Bundesliga, même s’il a perdu son statut de titulaire indiscutable à Magdebourg, il affiche un taux d’arrêts d’environ 33% – l’un des meilleurs du championnat. En équipe de Suisse, il reste un leader incontesté et ambitieux qui rêve, il l’affirme, de remporter un jour une médaille internationale.