OPINION. Faudrait-il demander aux étudiants de rembourser le coût de leurs études si ensuite ils ne rendent pas à la société ce qu’ils ont reçu? Profitant d’une initiative des Jeunes PLR, notre chroniqueuse revient sur la situation des étudiants en Suisse
Pour les partis politiques, les sections «Jeunes» sont bienvenues. Outre qu’elles forment des troupes aguerries pour les combats à venir, elles s’emparent de thématiques osées et parfois radicales, que les instances centrales ne peuvent ou ne veulent aborder. Il en va ainsi de l’initiative des Jeunes PLR qui souhaite que les étudiants, une fois leur cursus terminé, remboursent ce qu’ils ont coûté à la société s’ils ne jouent pas le jeu.
Ils expliquent que les personnes ayant fréquenté l’université ou une haute école travaillent ensuite de plus en plus souvent à temps partiel. Ce faisant, elles ne rendent pas à la communauté ce qui a été investi dans leur formation, ni en termes d’engagement professionnel ni en termes d’impôt; l’initiative propose donc d’exiger d’elles une compensation.
Par exemple, le coût moyen de six années de médecine est estimé à 720 000 francs par l’OFS alors que très nombreux sont les praticiens qui travaillent ensuite à temps partiel. Dans le canton de Vaud, tous âges confondus, seulement 40% des femmes médecins travaillent à plein temps et 65% des hommes. On a beau évoquer la maternité/paternité pour l’expliquer, il faut quand même constater que moins les Suisses font des enfants, plus ils réduisent leurs horaires.
Bien sûr, le rapport au travail a considérablement changé et les loisirs prennent une place prépondérante dans la vie de certains, pas tous, tant s’en faut. En outre, certains foyers à double salaire supérieur gagnent suffisamment d’argent pour pouvoir sans douleur en sacrifier une partie.
Pourtant, et même si elle est méritoire, la proposition des Jeunes PLR aura du mal à convaincre. D’autres mesures plus faciles à implémenter pourraient être soutenues. Par exemple, pourquoi ne pas sanctionner les étudiants «au long cours», qui passent sept ou huit ans au lieu de cinq pour obtenir un diplôme, ce qui coûte énormément à la société sans aucun avantage concret? Certains s’y consacrent en dilettantes alors que d’autres butinent en enchaînant diverses voies sans réfléchir vraiment à ce qu’elles représentent en termes d’exigences intellectuelles ou de débouchés futurs.
Si les parents devaient assumer, ne serait-ce qu’en partie, le coût de ces années superflues, ils seraient moins enclins à laisser leur progéniture batifoler impunément, même s’il convient évidemment d’accepter un échec ou deux, et l’excuse de certaines situations particulières. Au-delà de sa pertinence financière, cette mesure aurait une portée éminemment pédagogique.
Le sujet de la justice sociale mérite aussi qu’on s’y attarde. Les jeunes qui se dirigent vers la voie professionnelle sont défavorisés par rapport aux universitaires. En 2022, les coûts de la formation professionnelle à la charge des pouvoirs publics s’élevaient à environ 3,8 milliards de francs pour 200 000 entrants, contre 10 milliards dans les hautes écoles ou EPFL pour 22 000 entrants. Faites le calcul! Néanmoins, le pays a autant besoin de paysagistes que de sociologues, de laborantins que de médecins, de maçons que d’architectes. C’est la qualité de l’ensemble de sa main-d’œuvre qui fait la richesse de la Suisse.
Pourtant, les apprentis sont bien courageux. Ils commencent à travailler en entreprise dès 18 ans en moyenne, se levant tôt pour rejoindre leur poste, là où d’autres n’entament leurs études supérieures qu’à 21 ans et leur vie active bien plus tard. Ils sont peu rémunérés durant leurs quatre ans d’apprentissage alors qu’ils fournissent une prestation, pas encore profitable mais effective. Les patrons qui assument déjà leur encadrement et leur formation ne peuvent pas les augmenter et la puissance publique pourrait faire l’effort de compléter ce salaire qui varie selon les branches et les entreprises. Cela soulagerait également certains parents défavorisés, plus nombreux dans le cadre de ces filières.
Il y aurait encore beaucoup d’autres moyens pour mieux responsabiliser les étudiants et leur famille, et pour revaloriser la formation professionnelle par des actes concrets. Les Jeunes PLR ont donc du pain sur la planche!