Les questions familiales seront au cœur des échanges de l’assemblée des délégués des Vert·e·s samedi 25 janvier à Peseux (NE). Avec, en ligne de mire, le lancement de l’initiative pour un congé familial de 18 semaines

Quel modèle familial voulons-nous en Suisse? C’est le sujet de société sur lequel les Vert·e·s se pencheront samedi prochain, lors de leur assemblée des délégués. Le parti écologique s’apprête à répondre à cette question sous forme d’initiative populaire pour un congé familial.

Le texte entend «accorder aux deux parents suffisamment de temps pour assumer la responsabilité des soins au nouveau-né. L’initiative inscrit le congé parental dans la Constitution (…) et chaque parent obtient 18 semaines, durée qui pourra être prolongée ultérieurement. Le modèle d’assurance s’inspire de l’assurance-maternité actuelle». A une différence de taille près: «L’initiative prévoit une indemnité de 100% pour les plus bas salaires, ce qui serait une nouveauté – y compris pour les femmes – et un fort incitatif», assure Lisa Mazzone, présidente des Vert·e·s.

Agir au niveau fédéral

Les projets de congé parental ne sont pas nouveaux. Plusieurs tentatives similaires ont échoué à Berne. Du fait de l’absence de législation fédérale, une myriade de pratiques désordonnées sont nées dans le privé et de nombreuses initiatives cantonales ont aussi vu le jour. Celle qui a fait couler le plus d’encre en Suisse romande est la Genevoise. Le projet des vert’libéraux a bien abouti en 2023, mais la Confédération a mis un frein à ce congé parental de 24 semaines: «le nouvel article de la Constitution genevoise n’est pas compatible avec le droit fédéral», a indiqué le Conseil fédéral en mai dernier, suivi par le parlement en septembre. Une modification de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain est nécessaire pour que Genève puisse appliquer son congé parental.

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Face à cette situation, «il est désormais essentiel d’avoir une solution pour toute la Suisse, avance Lisa Mazzone. Cette initiative permettra de relever le défi de la pénurie de main-d’œuvre et celui des inégalités au sein des familles». Et la jeune mère de famille de rappeler que le pays est «la lanterne rouge des pays de l’OCDE pour les congés parentaux. En Suisse, on entre à la maternité en couple moderne. On en ressort en couple traditionnel. Dès le départ, la répartition des rôles familiaux stéréotypés s’installe. Tout repose sur la femme. On ne prévoit pas que le deuxième parent assume la moitié des responsabilités dès la naissance d’un enfant». Cela a un coût pour les femmes, notamment au moment du retour des jeunes mères sur le marché du travail. «Une rupture s’opère au premier enfant et s’amplifie au second», explique Lisa Mazzone.

Un projet à 900 millions de francs

Les Vert·e·s ne partent pas seuls dans cette aventure. A leurs côtés, des élus du Centre, des vert’libéraux, le syndicat Travail.suisse et Alliance F portent le projet pour plus d’égalité dans la famille et le monde du travail. Et il leur faudra bien cela pour faire passer ce qui est perçu par les initiants comme un «investissement pour l’ensemble de la société», mais comme un gouffre financier par d’autres. Une telle initiative coûtera quelque 900 millions de francs qui «seront refinancés au bout de vingt ans, ajoute la politicienne Genevoise. Cela grâce à la création d’emplois, évalués à 25 000 équivalents temps plein en dix ans du fait que les femmes pourront revenir pleinement et plus rapidement sur le marché du travail. C’est du moins ce que montre l’étude Analyse coûts bénéfices d’un congé parental paritaire

Pour l’écologiste, «il faut affronter la réalité: aujourd'hui, les conditions-cadres ne sont pas remplies pour mener un projet familial moderne. Cette initiative met aussi les femmes sur un pied d’égalité par rapport aux hommes sur le marché de l’emploi. Après un congé maternité, les employeurs poussent régulièrement les femmes vers la sortie. Quand elles reviennent sur le marché du travail, elles sont souvent à taux très partiel, avec des conséquences négatives en termes de salaire et de développement possible. Notre proposition assure une concurrence loyale sur le marché du travail».

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Les pères face au congé parental

Actuellement, les mères ont droit à un congé maternité d’au moins quatorze semaines. Les pères ont eux droit à deux semaines de congé payé dans les six mois suivant la naissance de leur enfant, depuis le 1er janvier 2021. Un modèle qui est tout sauf paritaire et qui ne change pas vraiment la donne comme le montre une analyse publiée le 16 janvier par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS): «Les mères prennent plus souvent leur congé que les pères». Dans cette étude, on voit, assez logiquement, que «presque toutes les mères, en Suisse, ont pris leur congé maternité payé en 2022, mais seulement trois quarts des pères ont fait de même. La raison pour laquelle des pères renoncent à leur droit est moins liée à des normes sociales qu’à leur situation professionnelle et à leur revenu», révèlent Anja Roth et Ulrike Unterhofer, respectivement suppléante du secteur Données de base et analyses et collaboratrice scientifique à l'OFAS.

Les deux docteurs en économie ont également «analysé l’influence des normes de genre, prévalant chez les pères ou dans leur entourage, sur la prise du congé parental. A cet effet, nous avons comparé les taux d’approbation cantonaux lors de la votation populaire du 27 septembre 2020 sur le congé de paternité avec le pourcentage de pères éligibles qui prennent effectivement leur congé. Il en ressort que le pourcentage de pères ne prenant pas leur congé est particulièrement élevé dans les cantons qui avaient voté à une nette majorité en faveur de l’introduction du congé de paternité». Alors que Genève et Bâle-Ville avaient accepté l’initiative, c’est là que l’on trouve le taux le plus faible de pères ayant pris un congé paternité. A l’inverse, c’est à Appenzell Rhodes-Intérieures et à Uri que les pères prennent le plus ce congé, alors que les deux cantons s’y étaient pourtant opposé.

Les analystes arrivent à la conclusion que «les normes traditionnelles de genre ont guère d’influence sur le fait que les pères prennent plus ou moins souvent leur congé de paternité. On observe même le schéma inverse. Et en Suisse latine, où la tradition des congés de paternité est établie depuis plus longtemps, le taux de pères prenant leur congé est plus faible qu’en Suisse alémanique».

Un résultat étonnant qui plaide d'autant plus pour un congé familial paritaire, comme le souligne encore Lisa Mazzone: «Si on veut que les pères prennent leurs congés parentaux, il faut qu’une part lui soit exclusivement réservée».

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