Attendu, «Patronyme», le nouveau récit autobiographique de l'écrivaine déçoit
Dans Le Consentement, Vanessa Springora avait réussi un tour de force. En 2020, ce récit d’une enfance spoliée par l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff, les descriptions d’un milieu littéraire plus que complaisant pour ces viols sur mineure avaient suscité un électrochoc salutaire: oui, les abus sexuels sévissent bien dans tous les milieux.
Egalement éditrice, Vanessa Springora avait ciselé son texte au mot près, choisi avec une précision horlogère le cadrage sur ces flash-back, trouvé le point de vue pour retraverser ce passé avec une lucidité d’adulte. Le tout formant ce que l’on appelle «la voix» d’un auteur ou d’une autrice.
L’absence du père était mentionnée subrepticement dans Le Consentement, elle traversait néanmoins tout le texte, à la façon d’un vide aux multiples échos. Ce père est aujourd’hui au cœur de Patronyme, un récit autobiographique qui mène Vanessa Springora jusqu’en Tchéquie, sur les traces de sa famille paternelle. Ce père mythomane qui n’a cessé d’apparaître et de disparaître, se drapant dans mille légendes et imbroglios, est mort, seul, au moment même de la parution du Consentement.
A ce choc s’en ajoute un deuxième: celui de la découverte, dans les papiers du père, de photographies du grand-père tchèque, arborant un uniforme aux insignes nazis. Ce grand-père si doux avait-il pu participer aux pires atrocités? Les mensonges du père trouveraient-ils leur source dans ces crimes recouverts par une chape de silence?
Malheureusement, Vanessa Springora semble cette fois-ci débordée par son enquête. Manquant de focale, embrassant trop large, le texte ne trouve jamais sa voix. On est presque gênée aussi par la façon dont l’autrice met en scène son ignorance sur l’histoire de l’Empire austro-hongrois, sur celle des minorités et en particulier des Sudètes, sur celle de la Deuxième Guerre mondiale. Il se trouve que les enquêtes familiales ont donné, ces dernières années, en Europe et au-delà, des livres exceptionnels, comme Le Monarque des ombres de Javier Cercas, sur un grand-oncle franquiste, pour ne citer que celui-là. La comparaison est douloureuse.
Récit. Vanessa Springora, Patronyme, Grasset, 368 p.