CHRONIQUE. A la Comédie de Genève, Séverine Chavrier et son «Absalon, Absalon!» invitent à cinq heures de secousses hallucinogènes, tandis qu’à la Comédie-Française, Eric Ruf célèbre «Le Soulier de satin» de Paul Claudel en huit heures. On en redemande
Au théâtre, plus c’est long, mieux c’est. A condition bien sûr que les artistes soient à la hauteur. A la Comédie de Genève, Séverine Chavrier invite à passer plus de cinq heures avec le féroce et si faillible pourtant Thomas Sutpen, héros damné d'Absalon, Absalon! Sur le papier, une telle durée peut dissuader. Dans la salle, pour peu qu’on accepte d’être égaré, de tituber entre les stèles comme les personnages de William Faulkner, de partager leurs obsessions de vérité, on est projeté dans un autre fuseau horaire, celui d’un plaisir qui a sa part de servitude, d’une temporalité qui est le privilège du théâtre, qui le distingue de tous les autres arts.
Car dans quel autre lieu s’abandonne-t-on à l’empire d’une fiction à rallonge, de ses personnages qui non seulement représentent les spectateurs que nous sommes, mais qui les transfigurent aussi? Le cinéma, pour des raisons commerciales évidentes, s’autorise rarement ces traversées qui appellent une endurance de chameau. Les séries TV, qui sont l’équivalent des grands romans-feuilletons du XIXe et qui nous captivent avec les mêmes procédés, se déploient en épisodes plutôt brefs, de 20 à 50 minutes. Les expositions, si riches soient-elles, accaparent rarement plus de deux heures le visiteur.
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