La Chine a enregistré l'année dernière sa croissance la plus faible depuis trois décennies hors période de Covid. En cause: l'essoufflement de la consommation et le spectre d'une guerre commerciale avec les Etats-Unis
La Chine a enregistré en 2024 une croissance économique de 5%, le rythme le plus faible depuis trois décennies hors période de Covid, minée par l’essoufflement brutal de la consommation et alors que l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche ravive le spectre d’une guerre commerciale.
Pékin s’était fixé l’objectif d’une croissance «d’environ 5%» de son Produit intérieur brut (PIB), après une progression de 5,2% en 2023, sur fond de crise persistante du secteur immobilier, de consommation intérieure toujours atone et de tensions commerciales avec les Etats-Unis et l’Union européenne. En 2024, le PIB chinois a atteint 134.908 milliards de yuans (17.867 milliards d’euros), selon des estimations officielles du Bureau national des statistiques (BNS) publiées vendredi.
Eminemment politique et sujet à caution, le chiffre officiel du PIB n’en reste pas moins très scruté, compte tenu du poids de la deuxième économie mondiale. Un groupe d’économistes interrogés par l’AFP avaient anticipé en moyenne un taux de croissance légèrement plus bas (4,9%). Mais le chiffre définitif est «souvent sujet à des ajustements stratégiques pour refléter des objectifs internes», avertissait en début de semaine à l’AFP François Chimits, économiste à l’institut Mercator d’études sur la Chine.
La Chine peine à se relever d’une grave crise de l’immobilier qui pèse sur le moral des consommateurs et sur les finances des collectivités locales. Rare embellie dans ce sombre tableau, en 2024, les exportations du géant asiatique ont atteint le niveau record d’environ 3.400 milliards d’euros, en hausse de 7,1% sur un an, selon des données officielles publiées lundi.
L’augmentation des importations s’est par ailleurs traduite par une accélération de la production industrielle, qui a gonflé de 5,8% l’an dernier, contre 4,6% en 2023. A l’inverse, les ventes de détail ont enregistré un net essoufflement, progressant de 3,5% l’an dernier contre une augmentation de plus de 7% en 2023: un ralentissement drastique signalant une consommation toujours sous pression à l’heure où les ménages inquiets préfèrent reporter leurs achats.
Ces chiffres envoient un message «mitigé», estime Zhiwei Zhang, économiste chez Pinpoint Asset Management. «Le changement de cap politique (économique) en septembre a permis à l’économie de se stabiliser au quatrième trimestre», avec une croissance de 5,4% du PIB sur les trois derniers mois de l’année, mais «le taux de chômage a dépassé les 5%», observe l’expert.
L’assombrissement du marché du travail est de nature à plomber encore davantage la consommation. Les nuages s’accumulent également sur le commerce extérieur, moteur de sa croissance économique, suspendu aux droits de douane élevés promis par le président élu américain Donald Trump. «Les effets défavorables dus à l’environnement extérieur augmentent, la demande intérieure est insuffisante, certaines entreprises rencontrent des difficultés dans leur production et leur fonctionnement, l’économie continue de faire face à des obstacles et des défis», a reconnu le BNS vendredi.
Certes, Pékin a multiplié l’an dernier les mesures de soutien, les plus massives de ces dernières années, pour inciter les millions de consommateurs à la dépense. Les autorités ont promis d’assouplir encore leurs politique budgétaire en 2025 et de poursuivre ses mesures de soutien aux consommateurs, à l’image de la récente extension des subventions permettant aux ménages de remplacer leurs produits d’électroménager.
Ces dernières semaines la Banque centrale chinoise a indiqué envisager d’autres baisses de ses taux directeurs en 2025. Mais selon les analystes, d’autres efforts seront nécessaires pour dynamiser la consommation, surtout au regard des perspectives plus incertaines en matière de commerce extérieur.
«Les soutiens de politique monétaire ne suffiront probablement pas à eux seuls à redresser l’économie», a déclaré à l’AFP Harry Murphy Cruise de Moody’s Analytics. «La Chine souffre d’une crise de confiance, pas de crédit, les familles et les entreprises n’ont pas suffisamment confiance dans l’économie pour emprunter, même si cela est très bon marché», ajoute-t-il.
«Un stimulus politique important et durable est nécessaire pour renforcer la dynamique économique et soutenir la reprise», ajoute Zhiwei Zhang. Or, les efforts du gouvernement peinent encore à se transformer en rebond de la consommation: la Chine a échappé de justesse à la déflation en décembre, les prix augmentant à peine, signe d’une demande toujours morose.
Face à ces défis, le panel d’experts sondés par l’AFP prévoit un nouveau ralentissement de la croissance chinoise à +4,4% en 2025, avec le risque qu’elle trébuche sous 4% en 2026.